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trice, n’ayant tiré aucune de ses inspirations des sources grecques ou romaines.


II


Briton Ferry. — Usage touchant. — Séjour à Swansea. — Excursion dans la Péninsule de Gower. — Les Mumbles. — La pierre d’Arthur. — Caermarthen. — Le chêne de Merlin.

De Cardiff à Neath, on passe successivement près de Llandaff, célèbre pour son antique cathédrale, et devant le château de Coity, magnifique ruine qui attire également l’artiste et l’antiquaire.

Avant Neath apparaît Briton Ferry, joli village où la température est si douce et les vents si tempérés, que des fleurs du midi s’y épanouissent. Dans la cour de l’église qui en Galles comme en Angleterre sert de cimetière, on retrouve le touchant usage français de parer les tombeaux de fleurs[1]. Dans la semaine qui précède Pâques ou la Pentecôte, on renouvelle sur la terre des tombeaux les plantes et les fleurs qui les poétisent. La rose blanche orne la tombe d’une jeune fille ; la rose rouge est destinée aux trépassés qui se sont distingués par leurs vertus. Toucher à ces plantes serait un sacrilége ; un parent ou un ami peut seul en détacher une feuille ou un rameau qu’il lui est permis de porter en souvenir du défunt. Les pierres tumulaires qu’on élève aux deux bouts de chaque tombe sont blanchies à la chaux à chaque fête annuelle. Ces usages sont communs à toutes les conditions sociales. Même sur les tombeaux placés dans l’intérieur des églises, les amis survivants viennent un jour de chaque semaine déposer des fleurs au moins pendant tout le cours de l’année qui suit la mort de la personne aimée. Shakspeare fait allusion à cette coutume lorsqu’il dit dans Cymbeline (acte IV) : « Tant que durera l’été, et que fidèle j’habiterai ici, j’ornerai ta triste tombe des fleurs les plus belles. »

C’est à Neath que l’on entre dans les districts manufacturiers ; le paysage ne présente plus que collines arides, à moitié ensevelies dans les vapeurs grises du ciel et les nuages blancs des fabriques. Bientôt on atteint Swansea, la ville la plus importante et la plus populeuse du pays de Galles ; elle est située au fond d’une baie magnifique à laquelle elle donne son nom ; un amphithéâtre de collines la protége contre les vents du nord. Cette ville possède peu d’antiquités. Le château, malheureusement caché par les maisons, sert de bureau de poste : on suppose qu’il a été fondé en 1113 par Henri de Beaumont, comte de Warwick.

Le marché est, dit-on, couvert avec le plomb de la cathédrale de St-David, donné par Cromwell à un habitant de Swansea.

Les principaux monuments sont : l’Hôtel-de-ville, la Chambre de commerce, le théâtre, et la « Royal institution of south Wales. » Ce dernier établissement, construit en forme de temple grec, contient une excellente bibliothèque, des galeries de zoologie, de minéralogie, de géologie, et des collections d’antiquités très-intéressantes.

En traversant la ville et en montant sur la hauteur appelée Hilney Hill, on a une vue splendide de la baie et des pays environnants : à droite, la pointe des Mumbles, à gauche, la vallée de Swansea, où l’air est vicié par les vapeurs arsenicales et sulfureuses des manufactures de cuivre. Partout le sol est aride et dégarni de verdure ; on affirme pourtant que cette atmosphère n’est pas pernicieuse aux ouvriers, et qu’un grand nombre d’entre eux arrivent à un âge très-avancé.

Le comté de Glamorgan se termine par une péninsule qu’on nomme le Gower ; cette partie du pays de Galles, m’ayant été désignée comme très-remarquable pour ses antiquités et le caractère sauvage de ses côtes, je résolus d’y faire une excursion. Un omnibus qui suivait les bords de la baie de Swansea, me conduisit d’abord aux ruines du château d’Oystermouth, qui s’élève fièrement sur une éminence, en s’enveloppant d’un manteau de lierre. Quelques minutes après, j’étais aux Mumbles, petit village de pêcheurs, bâti au pied d’une falaise rougeâtre. Une vieille église y montre les caractères les plus saillants des constructions normandes.

En quittant cette première étape, je donnai un coup d’œil à la baie de Caswel et passai près du château de Pennard. À partir de ce point, de vastes bancs de sable bordent la route jusqu’à la baie d’Oxwich, à la droite de laquelle apparaît le vieux château de Penrice. Non loin de Penrice s’élève sur une longue colline un puissant monument qu’on nomme la Pierre d’Arthur. C’est peut-être le plus célèbre Cromlech[2] du pays de Galles. On l’appelait « une des merveilles du monde dans le Gower. » Il n’a point été facile de l’ériger dans la position qu’il occupe, car les Triades[3] qualifient ce fait comme « une des trois œuvres difficiles accomplies en Bretagne, » et de plus « une des trois preuves étonnantes de la puissance humaine ; » les deux autres étant Stone-Henge et Salisbury-Hill. Dans ces mêmes Triades, ce monument est désigné comme la pierre de Cetty ; sans doute du nom d’une localité située dans la baie de Swansea. Un proverbe gallois en parlant d’entreprises difficiles dit : « Comme le travail pour la pierre de Cetty. » La Pierre d’Arthur a environ quatorze pieds de longueur, sept d’épaisseur, et à peu près cinq de largeur : elle a été brisée en partie[4]. Il existait autrefois dans ce lieu un célèbre puits sacré sur lequel M. Kempe fait les remarques suivantes : « Comme on sait que les druides consacraient les bois, les rochers, les cavernes, les lacs et les fontaines à leur religion, il est très-probable que la pierre d’Arthur a été placée sur une de leurs fontaines sacrées : elle se transforma

  1. Usage inconnu des Anglais. (Note de M. Henri Martin).
  2. Les antiquaires des Îles Britanniques appellent Cromlech ce que nous appelons Dolmen. (Note de M. Henri Martin).
  3. Documents en prose des bardes gallois, où tout est disposé sous une forme ternaire dont la tradition remonte aux Druides. (Note de M. Henri Martin.)
  4. Il en est des pierres d’Arthur dans la Grande-Bretagne comme des camps de César en France : ce sont le plus souvent des noms populaires sans valeur historique. (Note de M. Henri Martin.)