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ensuite en lieu de prière, et comme l’adoration de la Vierge égala à une certaine époque et éclipsa presque celle de Jésus-Christ, la fontaine fut appelée « Puits de Notre-Dame. » Une vieille tradition prétendait que cette fontaine suivait le mouvement des marées. On n’y voit plus maintenant qu’une petite mare complétement sèche pendant l’été. On rencontre dans les environs des sources minérales auxquelles on attribue des propriétés médicinales, et la plus renommée sur la colline dite Cefn Bryn, produisait, dit-on, des guérisons miraculeuses : beaucoup de gens venaient boire de son eau et jetaient ensuite une épingle en signe de reconnaissance. Autour de la pierre d’Arthur, on aperçoit des Carneddau ou monceaux de pierres, une des espèces de monuments funéraires des Celtes, et à l’est ce qui semble les restes d’une voie sacrée ou avenue conduisant au principal monument.

La péninsule de Gower abonde en antiquités de diverses origines ; on y compte six ou sept camps ou retranchements considérables. Son histoire est très-curieuse. Elle fut longtemps une importante station des Bretons ; les Normands l’envahirent peu après la conquête de l’Angleterre et s’y maintinrent avec beaucoup de peine. En 1103, une nombreuse troupe de Flamands, chassés de leur pays par une inondation de la mer, vinrent chercher un asile dans le sud de l’Angleterre. Henri II eut l’idée d’implanter cette énergique colonie dans le Gower et dans le Pembroke pour contenir les Gallois du Sud. Les Flamands furent forcés de défendre, les armes à la main, les terres qu’il leur avait données. Ce peuple a conservé son caractère national, à travers une période de près de sept siècles. Ils se sont rarement mêlés avec leurs voisins les Gallois. Leur physionomie est différente ; l’anglais qu’ils parlent est encore mélangé de mots flamands. Leur caractère est bon, leurs goûts modérés ; ils sont pour la plupart marins ou pêcheurs. Ils ont adopté les superstitions, et aussi, dit-on, l’amour des procès par lesquels les Gallois rivalisent avec les Normands. Leur habillement se compose d’étoffes du pays ; quelques-uns portent des plaids ; la plupart des femmes ont un whitle, ou espèce de schall, généralement teint en rouge et orné dans le bas de franges appelées drums. Ce vêtement est très-pittoresque, et les femmes ont une manière toute particulière de l’arranger. Elles enveloppent leurs enfants afin de pouvoir les porter, tout en gardant les mains libres pour tricoter ou s’occuper des soins de la maison. Elles ont le chapeau d’homme en castor, si commun en Galles, mais qui cependant perd du terrain.


Harpiste gallois jouant de la telyn (voy. p. 269). — Dessin de É. Bayard d’après M. A. Erny.

Pendant mon séjour à Swansea, j’allai passer une journée à Caërmarthen, la vieille cité, considérée longtemps comme la capitale du pays de Galles. Elle est située sur les bords de la rivière Towy, dans une des positions les plus pittoresques que je connaisse. Comme à Quimperlé, et dans toutes les villes bâties sur un point élevé, chaque coin de rue ouvre une échappée sur la campagne, et, à chaque pas, on trouve des tableaux tout composés. Je gravis d’abord sur une petite colline que couronne l’église de Saint-Pierre ; monument fort simple, orné d’une tour carrée qui ressemble beaucoup à celle de l’église des Mumbles : l’intérieur contient des tombeaux dont le plus remarquable est celui de Rhys ap Thomas et de sa femme.

La salle du marché est vaste ; les rues sont petites et irrégulières, mais d’autant plus pittoresques. Après avoir examiné les ruines d’un prieuré dont la date et le fondateur sont inconnus, je descendis près d’un pont d’où je considérai la splendide vallée du Towy avec sa riche décoration de verdure et de fleurs. À ma droite, une grosse tour, garnie de lierre et comme enclavée dans les habitations, était le seul reste du vieux château. Selon Giraldus Cambrensis, Caërmarthen était entourée de murs en brique, dont on voit encore les débris près de la rivière. C’est là que se trouvait le Maridunum de Ptolémée et d’Antonin d’où divergeaient les deux grandes sections de la fameuse route appelée Via Julia.

Caërmarthen est aussi renommée comme le lieu de naissance du fameux barde et prophète Merlin, qu’un ancien auteur appelle le fils d’un démon et le grand Apollon de la Bretagne. On assure même que le nom de la ville est une corruption de Caer-Merddin, oula ville de Merlin. À trois milles de Caërmarthen, du côté d’Abergwili, on voit un rocher creux désigné comme la grotte de Merlin ; et c’est là, dit la tradition, que la belle fée Viviane emprisonna pour toujours le trop con-