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cette nature est inscrit, avec le nom et la demeure du donateur, et considéré comme une dette à payer dans une occasion semblable. Suivant l’ancien usage, c’est un personnage appelé le bidder, qui va de maison en maison annoncer le mariage et faire les invitations. Souvent aujourd’hui on remplace le bidder par une simple circulaire imprimée. Selon une autre coutume du pays de Galles, dans certains villages, après la cérémonie nuptiale, les invités et la mariée montent à cheval, et la mariée part au grand galop ; tout le monde cherche à l’attraper, mais c’est un honneur qu’il est convenu de laisser au mari. Cependant il arrive quelquefois que des malins du village s’avisent de donner un mauvais cheval au marié, ce qui le met dans une situation très-désagréable, et dont s’amusent beaucoup ses amis et ses connaissances.

Les femmes des comtés de Caermarthen et de Pembroke s’habillent d’une étoffe à carreaux rouges et noirs. Le rouge était en honneur dans le pays de Galles ; on lit, dans les écrits d’Howel ap Owain : « Mon prince nous a transformés en bardes rouges. » Le dragon rouge de Cadwalader, dans la tradition, est l’emblème des Gallois, tandis que le dragon blanc est celui des Saxons.


III


Départ pour le château de Llanover. — Neath. — La vallée et ses légendes. — Le rocher de Dinas et la légende du roi Arthur. — Abergavenny. — Séjour au château de Llanover. — Promenades dans les environs. — Le Mary-Lewyd. — Les manuscrits barriques. — Le harpiste Griffith. — La Teiyn. — Musique galloise. — Légende du Pooka.

Je revins à Swansea dans la soirée, et trouvai une lettre de M. Henri Martin, qui était arrivé depuis deux jours au château de Llanover, où je devais le rejoindre.

Le lendemain je partis pour Abergavenny. La route passait à travers la vallée de Neath, une des plus jolies du pays de Galles ; sa partie la plus élevée est dans le comté de Brecknock, et la plus basse dans le Glamorgan. Neath est une ville de grande antiquité, située sur les bords pittoresques de la rivière du même nom, qu’entourent des collines riches de produits minéraux de toutes sortes. Les seuls monuments dignes d’attention sont le Town-Hall (hôtel de ville) et l’église ornée d’une tour quadrangulaire contenant six cloches.

À l’est de la rivière on peut encore distinguer les ruines de l’abbaye de Neath, que Leland appelait autrefois la plus belle du pays de Galles. Le roi Édouard II s’y réfugia en 1326, lorsque les vents contraires l’empêchèrent de mettre à exécution son projet de fuite en Irlande ; mais il fut bientôt découvert, et confiné dans le château de Kenilworth, sous la garde du comte de Leicester : la vie de ce prince ne devait pas tarder à se terminer tragiquement dans les tours de Berkeley. À Glyn-Neath habite Miss J. Williams, dont la plume élégante a conservé à la postérité les charmants contes de fées de sa vallée. Deux milles plus loin, à Pont-Neath Vaughan, je m’arrêtai pour jeter un coup d’œil aux cascades des environs ; la plus intéressante est celle de Cilh Heptse partagée en deux chutes, dont la première en se précipitant forme une telle arcade qu’on passe dessous à pied sec. Un voyageur, M. Warner, raconte que, pendant un orage, il se mit à l’abri sous ce parapluie d’un nouveau genre. La colline aride qui borde la route passe pour être hantée par les esprits ténébreux ; car elle se trouve dans ce qu’on appelle la vallée du Diable. Selon les traditions du pays, on voit aussi aux environs les fées danser et chanter aux sons de harpes mélodieuses. En Galles, les fées passent pour être intermédiaires entre la terre et le ciel. On les suppose bien disposées pour les hommes vertueux, ennemies du mensonge et de la malpropreté, et punissant sévèrement tous ceux qui sont sujets à ces vices. On compte encore parmi les hôtes terribles de ces vallées, les cwn wybir (les chiens du ciel) ou cwn anwn (chiens de l’abîme), spectres qui poursuivent avec d’affreux aboiements l’âme de quelque malheureux coupable. Les habitants de ces districts sont familiarisés avec ces cris surhumains et racontent souvent qu’ils les ont entendus en revenant chez eux pendant les nuits noires et pluvieuses. Chez ce peuple nerveux et poétique, les légendes de fantômes, de cris surnaturels et de fées sont les sujets favoris des conteurs.

En reprenant le chemin de fer à Glyn-Neath, on côtoie une masse énorme de rochers jetée là comme une forteresse destinée à garder la vallée. On l’appelle Craig y Dinas, nom qui vient sans doute de sa position, car Dinas veut dire une colline fortifiée. Une tradition prétend que le roi Arthur et ses chevaliers sont renfermés dans une caverne située au-dessous de Craig y Dinas, et qu’il attendent, plongés dans un sommeil enchanté, l’heure de chasser les Saxons.

Je passai quelques heures à Merthyr-Tydvil, et j’arrivai bientôt à Abergavenny, d’où je me rendis au château de Llanover. La route est une des plus charmantes du pays de Galles ; point de dureté de lignes ; partout des courbes gracieuses de montagnes et de collines qui caressent l’œil, et le délassent de l’aridité des environs de Merthyr. La principale entrée de Llanover (Porth-Mawr), est la représentation exacte de l’ancienne porte des Tudors, détruite il y a quelques années à Abergavenny. Sur le fronton est gravée une inscription galloise, que je cite pour son caractère d’antique hospitalité.

Qui es-tu voyageur ?
Si tu es ami, du fond du cœur sois le bienvenu.
Si tu es étranger, l’hospitalité t’attend.
Si tu es ennemi, la bonté te retiendra.

En descendant de voiture, j’allai remercier lord et lady Llanover pour la gracieuse invitation qu’ils m’avaient faite de passer quelques jours au château.

Lord Llanover a été pendant quelque temps ministre des finances ; il est actuellement lord-lieutenant de son comté. Milady, personne d’une haute énergie, et passionnée pour tout ce qui est gallois, a défendu et défend