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un plat rempli de crème, le lendemain matin il l’aura vidé. Il aime le plaisir, et n’est pas en très-bons termes avec l’Église, il n’affectionne pas les prédicateurs et leur joue toutes sortes de tours, mettant au milieu de leurs sermons les pelles et les pincettes en danse, faisant aboyer les chiens ou donnant des attaques de nerfs aux jeunes filles. Pook est le même mot que Pouke, qui désignait autrefois le diable. On retrouve ce nom dans plusieurs auteurs ; mais Shakspeare seul nous le montre avec ce caractère d’esprit du foyer qu’il a en Galles. En Islancle, Pucki est l’esprit du mal ; dans la Frise, le nain se nomme Puk, et en Allemagne nous trouvons Putz ou Butz, qui se rapproche beaucoup du Pulk Anglais et Gallois. Les Irlandais aussi ont leur Pooka. Selon les traditions, il est fils d’Oberon, roi des Génies.

À quelque distance de la vieille Court, nous visitâmes une chapelle fort ancienne. Près de la porte est une pierre tumulaire, qui autrefois se trouvait dans le cimetière : ele est ornée d’une croix, et quand on a bâti la chapelle on l’a scellée dans le mur. C’est dit-on, la pierre de saint Gower. Dans l’intérieur de la chapelle, au-dessus d’un grand tableau d’armoiries, se lit l’inscription suivante : « Ici reposent les corps de Williams Pritchard de Llanover, descendant de Cradoc, des comtes d’Hereford, entre la Wye et la Sewern. » Dans le cimetière on remarque le tombeau de Jones Jones, harpiste de Llanover ; on y a figuré une harpe entourée de rayons sous un massif de verdure : près de là reposait un barde, car nous reconnûmes le symbole bardique trois rayons mystiques, et, au-dessous, une légende en caractères bardiques ou koëlbrenn. Ces caractères, dit la tradition, ont été formés par Menw. Ce nom de Menw se rapproche singulièrement du sanscrit Manou. Menw, ap tair Gwaedd, ou Menw des trois voix. Ce personnage, plongé dans une profonde méditation, aperçut une fois trois rayons de lumière descendant du ciel, et vit dessus les arts et les sciences du monde. Ces trois rayons forment la base de l’alphabet bardique. « Si l’on réfléchit à l’émigration des Kymris, venant d’un climat chaud en Galles ; si l’on compare les dogmes druidiques et brahmaniques, et qu’on observe les ressemblances frappantes entre le sanscrit et la langue des Kymris ; on ne doutera plus de l’origine commune des races Celtiques et Indoues. »


Pierre du roi Arthur, dans le pays de Galles. — Dessin de Grandsire d’après M. A. Erny.

Le château élégant et spacieux, possède une grande salle (ou hall) remarquable par la haute galerie où se placent les musiciens et les chanteurs, les dimanches et jours de fête. Une première bibliothèque, où se trouvent les portraits de Guillaume III et de Cromwell, fait suite à un magnifique salon orné de tableaux et de curiosités de toutes sortes : au-dessus d’un groupe de porcelaines on distingue le portrait de Nell Gwyn, une des favorites de Charles II.

Dans la deuxième bibliothèque, une tête vigoureuse, signée de Michel-Ange, attira mon attention. Un meuble très-curieux est un coffre en bois de chêne qui contient tous les manuscrits Gallois achetés par lady Llanover au fils d’Iolo Morganwg, le barde du Glamorgan ; beaucoup de ces écrits datent des quinzième et seizième siècles et quelques-uns remontent même jusqu’au douzième (voy. p. 270 et 271). Iolo Morganwg a passé sa vie à collectionner ces précieux manuscrits, qui renferment des trésors de poésie et de prose, dont une société a commencé la publication depuis plusieurs années. — Je trouvai dans la bibliothèque de Llanover plusieurs vieux recueils de musique galloise qui con-