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Phénix en bois doré. — Gravure de Krakow, d’après une photographie.

Plus loin, nous entrons par une petite porte élégante dans un jardin où nous admirons un nouveau palais du même style que le premier et où se trouvent les appartements qu’occupait le roi. Ils sont spacieux et présentent dans de moindres dimensions des décorations analogues à celles dont nous venons de parler. La vaste salle centrale est réservée pour les cérémonies funèbres, qui ont lieu à la mort de chaque roi. Le corps du défunt, étendu dans un superbe catafalque, y séjourne sous un large dais jusqu’à entière dissolution, et les produits de la décomposition s’écoulent dans le sol par une ouverture ménagée au-dessous du cadavre.

Nous visitons ensuite le palais de la reine. Il se compose d’une suite de kiosques du goût chinois le plus gracieux. Partout s’élèvent de coquets pavillons aux toitures relevées. Tous sont unis par de légères passerelles élégamment suspendues. L’ensemble est du plus charmant effet. Du salon de la reine, décoré de délicates peintures et admirablement éclairé, on jouit d’une vue superbe sur les pittoresques et montagneux environs de Séoul, tandis qu’au premier plan s’étendent des jardins abandonnés aujourd’hui, mais qui devaient être délicieux d’après les restes des berceaux agrestes, des bancs, vases et jardinières en pierre, où l’on retrouve les marques de toute l’exquise fantaisie qui a présidé à l’érection de ce palais. Les appartements des dames de la cour avaient été quelque peu sacrifiés aux effets d’architecture extérieure, car ils consistaient en affreuses petites chambres pas aérées, et encore plus mal éclairées. Enfin un vaste bâtiment, consacré à la chambre mortuaire de la reine, est en tout semblable à celui du roi, mais moins grandiose. Nous terminons cette intéressante promenade en passant à travers des cours encombrées de gravats de toutes sortes, de nombreux chardons bulbeux et de toute une flore sauvage, pour arriver enfin à des bains inachevés en marbre blanc d’une superbe ordonnance que le roi était en train de se faire construire, quand une révolution le força à abandonner ce splendide palais.

Nous parcourons ensuite les nombreuses dépendances qu’habitaient les soldats de service au château et les demeures des fonctionnaires. Tous occupaient des rez-de-chaussée fort peu intéressants à visiter, à l’exception du petit bâtiment où se trouvait la clepsydre en bronze qui indiquait les heures. Celles-ci sont désignées en Corée par l’occupation habituelle qu’elles représentent, par exemple : l’heure du déjeuner, du dîner, etc. Auprès de l’horloge hydraulique se trouve la petite chambre de l’astronome qui était chargé de l’entretenir et de faire chaque jour des observations sur une petite tour carrée d’environ 6 mètres de hauteur. Elle est envahie en ce moment par nos lettrés coréens ; de là-haut, dans leurs blancs vêtements, ils évoquent à mon esprit le souvenir de quelque mystère antique. Quant à nos boys, ils se sont dispersés dans un immense champ de navets et le dévalisent à qui mieux mieux. Nous les rappelons énergiquement aux bienséances, auxquelles ils finissent par se conformer tout en mangeant le fruit de leur larcin.

Nous sortons enfin du palais : la nuit est venue, et une partie de mes très aimables compagnons me quittent pour rentrer chez eux. Cependant, tout autour de nous, sur les montagnes, s’allument de grands-feux dont le lumineux signal, se renouvelant de cime en cime, va dire aux extrémités de la Corée que la paix règne dans la capitale, qui apprend par le retour des mêmes courriers que tout le royaume est tranquille.

Nous rentrons à la Légation, où l’on m’explique durant le dîner le code des signaux lumineux en Corée. Quatre feux sont allumés en temps de paix, c’est-à-dire un pour deux provinces. En temps de guerre, le signal est plus compliqué. Un second feu, placé à droite ou à gauche du premier, indique la province menacée. Deux feux quand l’ennemi traverse ou débarque ; trois feux quand il est entré dans le pays, et quatre feux quand les combats ont commencé. Outre cette télégraphie lumineuse, le gouvernement coréen emploie tout un service de postes dont les relais sont uniquement consacrés au service de l’État. Peu après la signature des traités, il avait fait exécuter au Japon un très beau matériel pour la fabrication des timbres d’affranchissement, malheureusement ce matériel fut détruit pendant les derniers troubles qui éclatèrent à Séoul, où j’eus la plus grande peine à me procurer quelques types. En revanche le télégraphe relie par plusieurs lignes la Corée à ses voisins, et commence même à étendre son réseau sur le pays. On trouve à Séoul une loterie royale. Les billets, de 20 centimètres carrés, sont imprimés en bleu et recouverts de nombreux cachets multicolores ; l’administration livre seulement la moitié à l’acheteur et garde l’autre pour son contrôle. Il existe également un calendrier national, qui eut sa célébrité dans les temps anciens. Il fut même préféré au {{corr|calanrier|calendrier} chinois par les Japonais. Enfin un journal officiel