Page:Le Tour du monde - 63.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Alors que les sonneurs, au lieu de se tenir à l’arrière de la caravane, passent en avant, et musiquent selon les rites. »

En effet, il n’y a plus rien à craindre ainsi, car les trompettes, cause de notre accident, se composent de trois parties qui ressortent les unes des autres, et atteignent avec leur entier développement plus de 1 m. 20 de longueur, de sorte que, placées devant nous, nous avons le temps, en les voyant s’allonger, de rassembler les rênes et de maintenir nos chevaux. Nous arrivons ainsi avec toute la pompe et l’harmonie désirables au village, où nous profitons du magnifique déjeuner de Son Excellence ; puis ma superbe escorte reçoit une dernière carte pour le gouverneur et s’éloigne en me remerciant de mes largesses ; elle rentra le soir même au yamen.

Nous reprenons maintenant notre ordre de marche accoutumé dans la direction sud-est, à travers un paysage semblable à celui que j’ai décrit avant d’arriver à Taïkou.

Nous rencontrons en route un jeune orphelin d’une douzaine d’années absolument sans ressources dans ce pays où commence à sévir la famine : nous le prenons donc pour remplacer le palefrenier qui s’est révolté. Comme il a une petite figure intéressante et est doué d’une grande activité, je le charge désormais du soin de mon cheval.

Yamen de Mil-yang (voy. p. 352). — Dessin de Gotorbe, d’après une photographie.

Bientôt nous traversons de vastes terrains sablonneux formant parfois de petits coteaux, sur lesquels l’eau de pluie a fait de fortes érosions. Là, comme partout, grâce à une savane irrigation, on a su rendre productifs ces terrains autrefois stériles, et l’on y cultive fèves, haricots et divers légumes, toutes sortes de fruits, particulièrement le kaki, des bois précieux, enfin le mûrier, qui a amené partout l’élevage du ver à soie.

Après avoir traversé le Tcha-kine-oune-san par un col assez élevé, nous arrivons à la chute du jour devant la ville de Tchang-to aux murailles crénelées. La double porte fortifiée est toute grande ouverte, mais, à ma vive surprise, nous ne voyons ni gardien, ni passants, ni marchands, gens qu’on rencontre généralement en ces sortes de lieux. Nous pénétrons dans la cité : même solitude, même silence, l’herbe pousse dans les rues, et, malgré le bruit que fait la caravane, nul n’accourt à notre passage, aucune porte ne s’ouvre pour nous voir, c’est pis que le château de la Belle au bois dormant, où l’on apercevait du moins les assoupis. Ici rien, pas même une ombre humaine, et j’aurais cru la ville inhabitée si nous n’avions rencontré un ou