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elle est inexprimable, inconnaissable en soi. Comment encore une fois une métaphysique exclusivement fondée sur l’expérience (au sens où les sciences entendent ce mot) pourra-t-elle opter entre ces diverses hypothèses ? La cosmologie prétend, ce semble, à une connaissance de l’ordre matériel aussi directe, aussi positive que celle que la psychologie peut avoir de l’ordre mental : comment lui démontrer que les phénomènes dont elle traite sont de simples apparences, alors que les phénomènes dont traite la psychologie seraient seuls réels ? Une telle démonstration n’est possible que si la psychologie est considérée par avance, non comme une science proprement dite, mais comme une partie de la philosophie et, pour tout dire, en un mot, comme une métaphysique. La psychologie qui nous révélera le secret de l’être universel n’est donc pas cette psychologie expérimentale des associationnistes ou des psycho-physiciens qu’on a pu définir une physique ou une physiologie des états de conscience : c’est, dit M. Fouillée, une psychologie radicale et par cela même, à portée universelle. L’expérience sur laquelle est fondée la métaphysique de l’avenir, c’est l’expérience de la conscience. M. Fouillée le reconnaît expressément. « Toute expérience, dit-il, se ramène en définitive à une certaine conscience que nous avons, à une expérience intérieure. Il en résulte que la réflexion psychologique — mais non une réflexion solitaire et sans le contrôle des sciences de la nature — demeure le procédé fondamental de la métaphysique nouvelle. » Mais toutes ces assertions que contresigneraient volontiers Leibniz et Maine de Biran n’ont-elles pas pour effet de réintroduire, en quelque sorte, l’ontologie dans la psychologie elle-même, et croit-on qu’elles seraient acceptées sans débat par le positivisme ou le kantisme ?

M. Fouillée signale même dans cette analyse de la conscience un second « degré plus vraiment métaphysique qui se distingue davantage de la phénoménologie interne » ; c’est la considération du sujet conscient. On peut croire un moment qu’il admet pour son compte la réalité de ce sujet et qu’il y voit le dernier fond de l’être ; mais on s’aperçoit bientôt qu’il n’ose pas ou ne veut pas se prononcer sur ce point. L’abstraction réflexive de Maine de Biran doit être aussi essayée, dit-il, mais il ajoute : il restera d’ailleurs à déterminer ce qu’on trouve au bout de cette abstraction réflexive. Existe-t-il donc quelque autre procédé plus radical encore que cette réflexion qu’on semblait nous donner comme la plus grande approximation possible du réel ? Nous sommes bien forcés de le supposer, quoiqu’on ne nous l’indique point. Peut-être s’agit-il de ce contrôle des sciences de la nature qui doit accompagner la réflexion ? Mais ici encore notre embarras n’est pas moindre, car toutes les fois qu’il y aura opposition et conflit entre les résultats de l’analyse intérieure et ceux des sciences de la nature, à quelle règle d’arbitrage la métaphysique devra-t-elle recourir ? Seule, sans doute, la critique de la connaissance nous permettrait de faire dans les différentes sciences la part du relatif et celle de l’absolu : et