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aurons moins de peine à écarter l’élément personnel nuisible à la science.

Mais encore, comment introduire la mesure dans les fonctions psychologiques ? Y a-t-il donc un rapport constant entre telle fonction et telle abondance de faits ? Sans doute. On le comprendra aisément quand on aura remarqué, d’une part, le rapport des fonctions avec les coordinations (nous entendons ici non pas les coordinations pratiques seulement, mais toute espèce de coordinations), et d’autre part le rapport des coordinations avec le nombre de faits pouvant entrer en ligne dans la plus courte durée possible. Les coordinations varient avec les fonctions, c’est incontestable : les coordinations esthétiques, par exemple, ne se font pas de la même manière que les coordinations scientifiques. Il est également incontestable que le nombre des faits varie selon la manière dont se font les coordinations. Par exemple, les coordinations scientifiques, qui se font dans l’abstrait, ne doivent pas être sur le même pied à cet égard que les coordinations esthétiques, qui se font dans le concret. Nous jugeons (mais ce n’est pas à discuter ici) que les premières sont plus amples que les secondes. Enfin supprimez toute coordination, et vous réduisez au minimum le nombre des faits. La coordination n’est-elle pas le moyen de passer facilement, rapidement, d’un fait à un autre ? Ou plutôt n’est-elle pas déjà la marque de ce passage ? Avec elle, les objets les plus intéressants, les plus riches, en eux-mêmes, cessent d’être isolés ; les faits se pressent, abondent, et en même temps les éléments agréables qui leur sont inhérents. Remarquez d’ailleurs, puisque nous revenons à la considération du plaisir, que, grâce à la coordination, il n’y a pas même à craindre le différent excessif, lequel contiendrait la douleur, car la coordination ne comporte pas les chocs brusques, les activités irrégulières, destructrices de l’activité. Il n’y a pas non plus à craindre le différent trop effacé, celui des faits insignifiants, dont l’accumulation produirait la douleur par faiblesse d’activité, car les faits ne se coordonnent que s’ils ont une certaine intensité, et par conséquent s’ils contiennent un élément de différence assez marqué sans l’être à l’excès. Nous sommes donc dans les conditions les plus favorables au plaisir, et l’on peut fort bien substituer, dans notre formule, à la mention du nombre des faits, celle de l’ampleur des coordinations. On pourrait encore lui substituer celle du degré d’intelligibilité des faits, et donner ainsi raison sur ce point à la morale idéaliste, attendu que les faits ne se coordonnent que par où ils sont accessibles à la science, et que l’ampleur de la coordination dépend de leur intelligibilité. Mais retenons surtout, pour le moment, l’idée de coordination. Que représente telle fonction quant à