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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Arsène Dumont. Dépopulation et Civilisation, in-8o (Lecrosnier et Babé, 1890).

Aussi longtemps qu’on s’est obstiné, en dépit de toutes les objections contraires, à expliquer le déclin relatif de la population française ou de toute autre par la stérilité des femmes, et celle-ci à son tour par des causes tirées de la race ou du climat, le problème de la population a paru appartenir en propre aux naturalistes ; et l’on n’était pas exposé, en l’abordant, au danger de faire de la politique. Mais si l’on tient pour démontré — et je pars de là — que les Français de France, par exemple, à la différence de ceux du Canada ou d’ailleurs, ont peu d’enfants parce qu’ils veulent en avoir peu, il reste à chercher les causes de cette volonté, opposée au désir naturel ; et la question, devenue toute morale et sociale, prend alors une tout autre envergure. Car il ne suffit pas d’apporter dans ce débat, comme le font les économistes, ces saints Jean-Baptistes de la sociologie, des considérations économiques ; il n’est pas vrai que les raisons de cet ordre jouent un rôle exclusif, ni même dominant. Loin de se régler sur les subsistances, les naissances sont souvent plus nombreuses dans les nations, les provinces, les classes les plus pauvres ; non pas toujours cependant, les peuples riches, tels que l’Angleterre, restant féconds quand ils ont gardé l’esprit de famille et de tradition avec la foi religieuse. En général, plus un peuple ou une fraction d’un peuple se civilise, plus sa natalité diminue. « Pauvreté, dit notre auteur, ignorance noire, grossièreté et crédulité, voilà ce qui coïncide presque toujours, au moins en France, avec une natalité forte » ; au contraire, « richesse, instruction, culte des arts, des lettres et de l’élégance, élimination de la croyance au surnaturel, en un mot tout ce qui constitue la civilisation est lié à une natalité faible ». Les départements de forte natalité sont tous montagnards : Auvergne, Bretagne, Pyrénées. De là Lombroso ne manquerait de conclure que la natalité est en raison directe de l’altitude. Mais M. Dumont explique le fait autrement : « les provinces les plus fécondes sont celles qui ont le mieux résisté à l’attraction de la civilisation centrale ». À l’inverse, les groupes départementaux à natalité très faible se distinguent par leur richesse, leur instruction, leur lumière : Normandie, Gascogne, Bourgogne, Provence. — Pourquoi en est-il ainsi ? Cela tient-il à l’es-