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ANALYSES. — blum. Enseignement secondaire, etc.

Mais ne lui attribuez pas, en outre, le caractère du juste et du bon moralement ! Ce serait autoriser tous les faits possibles avant qu’ils s’accomplissent, et s’incliner devant eux aussitôt accomplis, sans regret ni murmure, sans protestation indignée, et en ajoutant même à l’excuse de la nécessité un semblant de raison, en se faisant presque un devoir de cet empressement à se soumettre. N’est-ce pas là comme un masque de droit sous lequel on déguise la force, afin de réclamer pour elle une obéissance immédiate, et de plus un respect et un culte superstitieux ? Qu’en eût dit Herder, pour qui l’Allemagne était synonyme de moralité, de droiture, de franchise en toutes choses ? Et cette doctrine n’ajoute-t-elle pas à la brutalité l’hypocrisie ?

Telle est, bien incomplète et imparfaite, l’analyse du livre de M. L.-B. Mais il faut le lire pour avoir une idée de toutes les lectures qu’il a dû faire, et du talent avec lequel il a su les mettre en œuvre. On a parfois étudié les philosophes comme s’ils n’étaient d’aucun temps ni d’aucun pays, comme s’ils avaient écrit pour tous les hommes et au nom de l’humanité seulement. M. L.-B. n’y contredit point ; mais il montre qu’en Allemagne, plus que partout ailleurs peut-être, les philosophes étaient aussi des Allemands du xviiie et du xixe siècle, et que ce sont d’abord leurs compatriotes et leurs contemporains qui ont le mieux profité de leurs leçons. Philosophes, philosophes, en vain vous visez à l’absolu, votre pensée ni votre âme ne se dégage pas ainsi du relatif qui vous entoure et vous étreint : seule une petite portion de l’humanité fait aussitôt son profit de vos livres, et y puise la force intellectuelle, la vigueur tnorale, comme à une source vive ; trop heureux si quelques générations encore y viennent puiser de même, et ne la trouvent pas trop vite tarie et desséchée à jamais !

C. A.

E. Blum. Aperçu général sur l’enseignement secondaire des jeunes filles en Allemagne. Paris, Paul Dupont, 1889, 215 p. in-8o.

Sur ce sujet, auquel nous avons tant de motifs de nous intéresser, nous avons enfin une étude exacte et bien informée. L’auteur nous fait connaître, avec une juste mesure dans le détail, l’organisation administrative des collèges féminins de l’Allemagne, la direction, le recrutement du personnel ; les publications et les associations se rattachant à cet enseignement, la statistique des lycées, l’emploi du temps, etc. Il résume ensuite brièvement, et critique le plan d’études, en partant de principes pédagogiques généraux, et en établissant, à ce propos, entre les Allemands et nous, une comparaison qui n’est pas toujours à notre désavantage. Du reste, s’il nous offre là-bas des modèles et des exemples à suivre ou à méditer, c’est sans oublier de nous avertir que c’est de notre propre bien que nous devons reprendre possession, qu’en matière d’enseignement féminin l’initiative est venue il y a bien longtemps de la France.