Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXXI, 1891.djvu/216

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
revue philosophique

Nous n’avons à entrer ici que dans les considérations pédagogiques d’un intérêt psychologique évident. Un des premiers problèmes qui se présente à examiner est celui du personnel enseignant. Il y aurait danger à le résoudre d’une façon empirique, et avec des idées préconçues sur la nature morale de la femme. M. Blum, avec les plus autorisés parmi les pédagogues allemands, estime qu’il faut réserver au moins les cours supérieurs aux professeurs hommes. Il fonde son opinion avant tout sur la tendance naturelle aux grandes jeunes filles à ne pas se laisser dominer par une femme. Mais l’enseignement, non plus que la discipline, ne serait-il donc pas le fait de la femme ? M. Blum est loin de le craindre. Il déclare que tel professeur femme peut dès maintenant faire des leçons que nos meilleurs agrégés ne désavoueraient pas. Mais il ne voit là, pour le moment, qu’une heureuse et brillante exception. C’est aux hommes, avec leur esprit d’initiative et leur habitude de la réflexion plus développée, à assurer les traditions de méthode et d’enseignement large et synthétique, et, en donnant une instruction plus solide et plus étendue, à exciter par l’émulation le zèle du personnel féminin. En Allemagne, l’enseignement donné par les hommes représente un sixième de toutes les leçons, et M. Blum pense qu’il serait bon de conserver encore longtemps la même proportion dans nos collèges féminins. C’est à l’expérience à nous donner la preuve définitive, et il convient de dire que M. Blum a quelque droit à se prononcer dans la question, car il parle de choses qu’il connaît grâce à une assez longue expérience.

Un second problème, qui intéresse le bon exercice et le développement harmonieux de l’intelligence et des organes, est celui de l’emploi du temps. Dans les grands lycées allemands, les jeunes filles sont libres à partir d’une heure. Elles passent chaque après-midi en famille, et M. Blum a raison de voir là toutes sortes d’avantages. Mais n’y a-t-il pas de grands inconvénients, sans parler de la perte totale de l’après-midi, pour l’enseignement, dans l’emploi de la matinée ? Entre huit heures du matin et une heure du soir, quatre cours d’une heure chacun, interrompus de quelques pauses ou courtes récréations : quelle tension d’esprit, quelle fatigue générale, et cela, avec le simple lest du premier repas de la journée ! Et d’ailleurs, qu’on ne l’oublie pas, la récréation elle-même n’est qu’un relâchement apparent de l’appareil cérébral, et elle représente elle-même sa dépense de force nerveuse. Et il est loin d’être prouvé (le contraire l’est plutôt) que, pour l’esprit comme pour le corps, le travail du matin soit le plus profitable. J’admettrais une répartition plus proportionnée entre le travail du matin et celui de l’après-midi, tout en laissant les jeunes filles à leurs familles une bonne partie de l’après-midi. Par exemple, elles passeraient au lycée, le matin, de huit heures et demie à onze heures et demie ; l’après-midi, d’une heure à trois heures ; elles auraient, le matin, un cours d’une heure, et deux cours de trois quarts d’heure, interrompus par les récréations convenables ; l’après-midi, leurs cours seraient d’une heure, avec une