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L’ANNÉE HEUREUSE.

grande amie, elle s’efforce en vain de se redresser. Il semble qu’un rêve l’accable qui la sépare de ses amis ; elle n’est plus là, ses regards voyagent au loin. Où vont-ils ? où voudraient-ils atteindre ? et comment expliquer que, même devant Tchetchevik, sa petite amie ait d’involontaires absences ? Le cœur d’une fillette est une forêt obscure ; il faut de bons yeux pour s’y reconnaître : eh bien, il a de bons yeux, le grand ami.

Celui qui ne s’inquiéterait pas des plus petites souffrances d’autrui serait-il vraiment grand ? Ah ! croyez-moi, les vrais forts sont toujours les plus doux. Ce matin-là, la tête de Maroussia était plus penchée qu’à l’ordinaire et ses yeux bleus plus errants en face de je ne sais quel infini ; le soleil brillait cependant. À voir, de la fenêtre où l’enfant pensif se tenait immobile, la campagne, vêtue de neige tout entière, à la voir étinceler comme un miroir d’argent poli sous l’éclatante lumière du grand astre, il semblait qu’il n’eût dû venir à Maroussia que des pensées claires et joyeuses. Mais non, elle se taisait, et, si elle souffrait, ce qui paraissait bien probable, elle ne voulait rien donner de sa peine à ceux qu’elle aimait.

Le grand ami échangea un regard avec Méphodiévna. Le moment était venu de parler. Mettant le doigt sur l’épaule de Maroussia, il la tira de son rêve et appela son attention sur un traîneau, qui, tout attelé, stationnait au bas de la fenêtre.