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MAROUSSIA.

de son ami et reposa sa tête fatiguée sur sa solide épaule. Après toute une année de vie prestigieuse, où elle avait dépassé tout ce qu’on pouvait attendre de son âge, la petite héroïne était heureuse de se retrouver enfant.

Le jour commençait à baisser. Les rayons du soleil n’étaient plus aussi brûlants. Le chemin ou plutôt le sentier serpentait tantôt à travers les champs d’orge, de seigle et de froment, — il y avait encore de ce côté-là quelques terres qui n’étaient pas dévastées, — tantôt à travers de petits bois frais remplis de fleurs, de parfums et de nids. Des oiseaux au chant comme au plumage varié, des papillons de toutes sortes, des escadrons d’abeilles sauvages voletaient et bourdonnaient comme si rien n’avait été changé dans le monde ; leur petite Ukraine particulière n’avait pas été touchée et ne se doutait de rien. Les rayons du soleil tombaient à travers le feuillage sans se souvenir que la veille encore, et pas bien loin de là, ils avaient éclairé et doré des massacres. De temps en temps, on voyait à droite ou à gauche surgir un clocher, étinceler un petit lac, un étang ou une rivière, ou bien on apercevait au bout d’une prairie un village dont les maisonnettes encore blanches brillaient entre les jardins et les vergers ; quelquefois ce n’était qu’un hameau désolé à demi perdu dans la verdure.

Ils se trouvèrent en face d’un champ. « Que de