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MAROUSSIA.

Tout près de ce chêne orgueilleux, gisait à terre, vaincu par les ans, le tronc d’un autre chêne qui avait dû dans son temps valoir celui qui était demeuré debout. Pas une feuille n’était restée à ce grand mort, de toutes celles qui autrefois avaient fait la gloire de sa vie. Le grand ami, le regardant, se mit à penser tout haut :

« Celui-là, se disait-il, la hache ne l’a jamais touché. Il n’a jamais eu à subir les violences des hommes, ses vieux membres sont exempts de blessures, la foudre même l’a respecté, et pourtant le voilà par terre. Ainsi tout ce qui commence marche à travers les jours ou les siècles vers ce qui semble être une fin. Encore quelques années, et le colosse retournera à la poussière ; mais la poussière est féconde, et bientôt le chêne se fera brin d’herbe. En petit ou en grand, les choses elles-mêmes ressuscitent. Un grain de sable est indestructible, est immortel, à plus forte raison nos âmes ; en vérité, la vie d’ici-bas n’est qu’un point qui ne vaut guère qu’on s’en soucie, elle appartient à Dieu plus qu’à nous. »

L’enfant écoutait étonnée.

« Sans doute il prie, se disait-elle. Il est triste, il fait bien. »

Chose étrange, sur le tronc dénudé du vieux chêne, on apercevait une couronne de bluets presque semblable à celle que venait de faire Maroussia. Comment cela se faisait-il ? les bluets étaient tout frais encore.