Aller au contenu

L’Animale/13

La bibliothèque libre.
Mercvre de France (p. 205-218).
◄  XII
XIV  ►

XIII

Henri Alban, debout, sur le seuil, à la même place où lui avait souri, s’effaçant pour la laisser passer, un inconnu quémandeur d’amour, souriait, la contemplant, l’air un peu vexé de revenir si vite.

— Tu vois, ma chère enfant, que je suis un homme de parole !

Et il entra en lui prenant les poignets pour l’embrasser, comme l’autre l’avait embrassée à un mois de distance.

— Je ne te dérange pas ? Il n’y a personne caché sous le lit ? ajouta-t-il railleur.

Laure demeurait immobile, très pâle, mais souriante, elle aussi, la physionomie calme. Il fallait s’y attendre, et, bien qu’elle eût quelque, chose de mort dans le cœur, ce retour inopiné lui fit plaisir. Telle une fleur plus fraîche après l’orage, elle semblait plus réservée, plus modeste. La folie commise — ses courses sur les toits au plein air de la nuit — lui avait laissé une mélancolie gracieuse qui la rendait plus souple et l’éclairait d’une lumière intérieure. Elle reçut son amant-époux comme une jolie petite bourgeoise dont le court veuvage a été rempli par les saines occupations du foyer domestique.

Son logis était en ordre ; elle avait, pour se reposer de toutes ses émotions, rangé, nettoyé, mis des plantes vertes dans des jardinières et secoué les tentures, soufflé sur les atomes d’amour, sur la poussière des souvenirs coupables. Henri inventoria le salon d’un coup d’œil. Il huma l’atmosphère ; cela ne sentait pas le cigare, et son fauteuil américain était resté à l’endroit favori. Lion, gravement assis sur le bureau, le regardait au milieu de ses livres et de ses papiers, l’air d’un honnête chat qui ne sait rien. Henri, n’ayant averti ni par lettre, ni par télégramme, tombait chez elle comme un gêneur, et constatait, chose bien singulière, qu’il ne la gênait pas. Elle lui répondit d’un ton tranquille :

— Tu espérais donc trouver quelqu’un ici ?

— Dame, quand on va à la chasse on perd sa place, prétend le proverbe !

Il rentrait, d’ailleurs, fort content de retrouver cette fille dévergondée au bout d’un mois d’abstinence ; et, le sang fouetté par la cuisine de midi, haute en épices de toutes sortes, il ne refuserait certes pas de reprendre la vie commune. Il mit sa valise sur une chaise avec des précautions, — à cause des pots de confitures de sa tante, — et passa dans la Chambre jaune. Le lit était tiré à quatre épingles, les draps sans un pli suspect, la couverture sans chiffonnage de mauvais aloi ; la glace reflétait le ciel, en face du vitrage grand ouvert, et tout sentait bon le soleil, tout resplendissait de miroitements dorés comme un cristal imbibé de lumière. Il s’assit sur les coussins, l’attira devant lui, la fit se tourner, se retourner.

Laure, de son côté, l’examinait, se demandant si c’était bien Henri, celui qu’elle appelait le fiancé. Elle le voyait plus mal, changé, parce qu’elle était changée, ne l’aimait plus de la même façon, et lui en voulait de ce qu’elle l’avait trompé. Il était trop blond, maintenant, ses yeux, trop gris, ressemblaient à des yeux de faïence, et ce sourire dédaigneux, qu’elle admirait autrefois parce qu’il lui faisait de la peine, l’intimidait, ne lui donnait plus qu’une envie de lui rire au nez. Cependant, elle se sentait heureuse de le voir là, confiant en elle ; ses baisers l’attendrissaient comme des caresses de pauvre jeune homme qui excite une pitié.

— Tu es allé, dit-elle, te préparer un nouveau mariage. Donne-moi donc des nouvelles de ma remplaçante.

— Déjà nous taquiner ?

— Est-ce que tu ne le mérites pas ?

— Oh ! si tu t’imagines que je crois à tes serments de fidélité, ma petite chatte ! Je n’aurais qu’à tâter la concierge…

Laure se choqua de son langage, elle le trouvait, au demeurant, très vulgaire, un langage d’homme payant pour être bien servi, et ce fut sans enthousiasme qu’elle lui laissa froisser son peignoir.

Le soir, ils dînèrent dehors, burent des vins fins, se disputèrent au dessert, eurent des mots blessants, se traitèrent de niais réciproquement, puis se couchèrent de bonne heure avec la fièvre : Henri, tout de suite apaisé, s’endormit vers minuit, et Laure, selon la coutume (de retour, elle aussi), veilla, le front levé dans la direction des toitures, écoutant les miaulements nerveux des matous.

Le lendemain, Henri se rendit à son étude, le portefeuille sous le bras, fredonnant comme un garçon jovial qui a joué une excellente partie de cartes. Il avait gagné la paix. La petite chatte était tout à fait calmée, ses ongles ne sortaient plus de dessous le velours. Point de scènes de tendresse exagérée, point de reproches trop vifs, et point de désespoir dramatique. Elle était fidèle comme un roc, oui, mais on la pousserait tout doucement au ruisseau consolateur. Elle était mûre pour une chute et il aurait la gloire de rompre le premier, ce qu’un homme bien stylé ne manque jamais de faire quand il le peut ou qu’on lui en donne le temps. Là-bas, le papa s’occupait de son avenir entre deux chasses au chien d’arrêt. On lui avait présenté une pensionnaire qui ne manquait pas de rondeurs. La fille d’un capitaine de gendarmerie. Une exquise enfant de dix-huit ans, un peu simplette, un peu gauche, et pourtant pleine de saveur déjà, une blonde dont les lèvres étaient humides comme un bouquet de cerises verni de rosée. Quatre-vingt mille francs de dot, une famille honorable et des frères avec lesquels on pourrait fumer. On prétendait que cette jeune personne était d’un esprit obtus, qu’elle avait passé sa petite enfance dans une espèce de sommeil cérébral équivalent à l’idiotie ; mais elle était charmante, et Henri ne tenait guère aux femmes qui ne savent dormir à propos. Au moins, il serait son éducateur, et il répondrait de son éternelle ignorance. Il s’agissait seulement de mener sa barque droit, entre les écueils du vitriol et les tempêtes de larmes. Il profiterait sagement de sa maîtresse jusqu’au printemps suivant, coulerait un hiver agréable pour enterrer sa vie de garçon juste un mois avant les nouvelles fiançailles.

À l’étude, où le clerc, des plus amateurs, ne venait que quand cela lui plaisait, il distribua des poignées de main cordiales, raconta ses chasses et rit beaucoup. Il avait la figure d’un monsieur de sens désormais rassis et triomphants. Les méthodiques ont de ces épanouissements subits en présence d’un dénouement banal bien amené au théâtre, et ils iraient volontiers féliciter le chef machiniste de ce qu’il a permis, par ses combinaisons de trucs, de dire : « oui » au moment psychologique. Laure ne l’oppressait plus, il la sentait s’alléger sur sa poitrine ; elle se dégagerait peu à peu de lui, oublierait son besoin trivial d’aimer l’homme pour l’homme à son contact de sceptique chaste, et, qui sait ? finirait par l’aimer pour l’argent, comme il convenait dans leur situation équivoque. Une chose l’étonnait, par exemple, c’était sa bizarre clairvoyance au sujet de l’avenir qu’il lui réservait. Quel génie l’avait donc instruite de ce mariage et pourquoi lisait elle, à présent ce qu’il pensait dans ses yeux ?

Un matin, il lui dit, se frappant le front tout d’un coup :

— À propos, le curé d’Estérac est parti. On l’a » mis dans un petit village de Combes, tout près de la Bourdaisière, tu sais ! Il n’avait plus bien sa tête sur les épaules, et on l’a fourré là comme en pénitence.

— Ah ! répondit Laure qui peignait ses longs cheveux d’un air indifférent. Tu lui as fait une visite, à ton ancien camarade de collège… Avez-vous parlé de moi ensemble ?

— Jamais de la vie ! Je n’ai pas mis les pieds chez lui ! J’ai horreur des fous, moi !

— C’est terrible, en effet, murmura la jeune femme, ça ne respecte rien !…

Et Henri l’approuva d’un geste sérieux.

L’automne passa d’une manière douce, les deux amants s’entendaient pour ne pas disputer ; on éludait les questions orageuses, et on se voyait seulement aux heures des repas ou aux heures de l’amour.

— Si je m’en allais, ce serait plus digne ! songeait-elle.

Mais une sorte de mystérieuse superstition l’attachait encore à Henri. Elle n’avait aimé sincèrement que cet homme-là, et si elle s’en allait avant l’heure désignée elle regretterait peut-être ce semblant d’amour qui se mourait entre eux et conservait un parfum de tendresse permise, comme un vieux bouquet de roses conserve encore un bouton mal éclos voulant fleurir quand même, en dépit de la pourriture de sa tige.

L’hiver ils reçurent quelques amis amenés au sortir de l’étude et donnèrent des petits thés intimes. Henri, désirant introduire le loup dans sa bergerie, força la jeune femme à être gentille pour ces messieurs les clercs, fils de famille du même bois que lui. Il y en avait trois venant à tour de rôle, tous les trois personnages d’une tenue irréprochable. L’un d’eux, Julien Landry, un sanguin à figure de bouledogue, s’éprit tout de suite de la miraculeuse chevelure de Laure et il mit un soin extraordinaire à étaler des sentiments en rapport avec sa fortune. Elle, devant ces hommes, demeurait muette, agissant d’une allure tranquille et n’ayant pas de préférence. Julien Landry, c’était en foncé ce qu’Henri Alban était en clair, c’est-à-dire une aimable nullité, un estimable garçon capable de tout, y compris le viol de la maîtresse d’un de ses meilleurs amis, et elle le détestait d’instinct, attendant sa première sottise pour pouvoir le faire mettre à la porte.

— Tu les trouves amusants, toi ? disait-elle avec une moue significative.

Henri lui répondait :

— Ce sont d’excellents camarades. Ils ne te feront jamais sentir l’infériorité de ta situation, je te le jure.

— Mais ils sont bêtes !

— Parce qu’ils parlent devant toi de choses hors de ta portée. Ma chère, tu deviens difficile pour une femme qui cause seulement avec son chat !

— Monsieur Landry a palpé mes cheveux toute la soirée !

— Oh ! une plaisanterie sans aucune malice. En tous les cas, je ne lui entends jamais risquer un mot léger.

— Henri, j’aimerais mieux rester dans ma chambre !

— Ce serait ridicule. On s’imaginerait que je deviens jaloux.

Elle servait le thé, découpait la brioche et mettait les liqueurs sur un plateau, puis se retirait dans un coin du petit salon, près de la cheminée, son chat blotti sur ses genoux, ne desserrant plus les lèvres. On jouait aux dominos, au piquet, en lui lançant des œillades ou des réflexions de circonstances : « Vous avez perdu, mon cher Henri… Quand on est si heureux en amour ! » — « Si mademoiselle voulait tenir ma partie, je ne demande qu’à perdre ! » Et la soirée s’écoulait, interminable, au milieu des exclamations saugrenues des hommes, forçant leur naturel pour essayer de lui faire tourner la tête. Henri, quelquefois, discutait les projets de loi, et la causerie dégénérait en dispute avec Julien Landry, un intransigeant. Celui-ci tapait le guéridon à coups de poing, faisait sauter les flacons et les tasses, réveillait le chat qui dirigeait, de son côté, ses prunelles phosphorescentes. Alors la jeune femme laissait tomber une phrase d’un ton calme :

— Prenez garde, monsieur, vous allez faire peur à Lion.

Landry se taisait un instant, roulant ses gros yeux, fier d’avoir épouvanté l’animal, et ressaisissait ses esprits dans un rire goguenard.

— Oh ! les chats, mademoiselle, ça me connaît, et si vous voulez me confier le vôtre…

Un soir, le clerc arriva plus tôt que de coutume, sans être accompagné d’Henri. Laure hésitait à le recevoir, mais, par soumission vis-à-vis de son amant, elle le fit entrer, malgré ses inquiétudes. Le jeune lourdaud s’assit sur l’extrémité d’une chaise, bien plus embarrassé que Laure.

— Il fait froid, déclara-t-il, n’est-ce pas, mademoiselle ?

— Chauffez-vous, monsieur ! Et Henri ?

— Monsieur Alban est resté ce soir chez le patron pour une affaire à débrouiller ; nous avons dîné tous les deux, et il m’a envoyé, histoire de vous donner de la patience.

Laure ne répliqua rien. Il était évident que son amant ne la ménageait guère, et elle s’étonna de ne pas souffrir davantage de son mépris. Elle arrangea la table aux dominos, prépara l’eau pour le thé dans la bouilloire, puis se rendit dans la chambre jaune où elle soignait Lion indisposé.

— C’est vraiment très chic ici ! murmura le clerc debout sur le seuil, et contemplant les stores de soie, le lit vieil-or.

Il avança d’un pas.

— Il est donc malade, votre pauvre mimi, que vous aimez tant ?

— Il est enrhumé, je crois.

— Voyons ça. Vous savez, j’ai fait des études, moi, sur les animaux.

Il eut un air grave ; Laure, tout occupée du chat, ne se doutait pas qu’on pût s’occuper d’autre chose pour le quart d’heure. Elle était penchée dans l’édredon ou dormait l’animal, et l’éveillait pour lui offrir du lait sucré.

— Mâtin ; il a une fameuse binette ! c’est un tigre ! Quel âge a-t-il ? Faudrait le couper, il est malade, parce que vous l’empêchez de courir, hein ?

— Je ne veux pas qu’on y touche, monsieur ! Il ne sera jamais martyrisé par personne.

— Oui, c’est très joli, la compassion, mais il vous salira tout, et, s’il ne court pas, il deviendra épileptique.

Comme il parlait un langage décent, Laure le laissa s’approcher du lit, et Lui montra Lion se dorlotant au fond du satin jaune.

— Il a bien près d’un an, dit-elle caressant son fils qui grondait devant l’étranger ; mais je pense qu’il a passé l’âge de la maladie de la croissance, n’est-ce pas, monsieur ?

— Un an, c’est l’âge de raison ! Voyons ! Montre-moi ta langue ! Quand ils ont la langue blanche, c’est mauvais signe… Oh ! la sale bête, il m’a mordu !

Le chat s’enfuit sous le lit, tandis que Laure, ennuyée de ce que cet imbécile l’avait dérangé inutilement, s’écriait :

— Quel malheur ! Il aura froid. Vous ne savez pas du tout apprivoiser les bêtes, monsieur.

— Bah ! Vous croyez !…

Et, se jetant sur elle goulûment, il voulut l’embrasser dans le cou, car depuis une minute qu’ils étudiaient la physionomie du chat, le clerc soupesait les cheveux de la jeune femme avec une fébrile admiration. Laure se débattit, furieuse, en appelant Henri.

— Henri ? dit le jeune homme pouffant, il est loin ! Tu es donc si fidèle que cela, ma jolie sauvage !

Non, elle n’était pas fidèle ; mais elle avait l’horreur de ce garçon commandé pour une chute propre, une rupture convenable qui ne ferait pas d’esclandre en dehors du notariat, elle avait la répugnance des honnêtes gens, aujourd’hui, préférait n’importe quel rustre, n’importe quel fou, à ces personnages bien corrects, bien à moitié sages qu’on appelait les hommes rangés. Ceux-là, les raisonnables, étaient plus grossiers que les brutes des campagnes dans leurs épanchements amoureux… Ils ne possédaient ni les naïvetés des simples paysans, ni les fougues des passionnés qui n’osent pas ou osent trop, ils étaient hygiéniquement nuis, ne dépensant pas plus en gracieuses paroles qu’en gracieuses actions. Maintenant, elle les haïssait !

— Voulez-vous me lâcher, ou je vous étrangle ! rugit la jeune femme lui entourant la gorge de ses cinq doigts pointus.

— Bigre, vous êtes méchante ! dit Julien Landry desserrant son étreinte, et vous faites bien du bruit pour un petit baiser.

Le maintien raide, comme un homme que l’on vient d’offenser, il alla s’asseoir dans le salon, près du feu, se chauffa les jambes par contenance, et regarda son pouce, où le chat avait incrusté sa dent.

— Voilà de singuliers animaux ! pensait-il.

Laure s’assit en face de lui, les yeux fixés sur un écran japonais.

— Vous l’aimez tant que ça, votre Henri ? murmura le clerc qui croyait de son devoir de ricaner un peu.

— Je n’ai pas de comptes à vous rendre au sujet de mes amours, monsieur. Est-ce lui qui vous charge de m’embrasser quand il est… en retard ?

— Oh ! non ! C’est-à-dire… Eh ! Eh !…

Il s’embarbouillait dans un rire épais, un rire gras.

Laure eut un geste de dégoût en ajoutant, mentalement :

— Ils se soutiennent, messieurs les clercs. C’était une scène arrêtée entre eux.

Elle ne se trompait pas. Henri rentra après avoir toussé légèrement. La soirée fut pénible. Julien Landry faisait tomber des dominos sous la table pour pincer les chevilles de Laure en les ramassant. Il affectait des airs vainqueurs désirant sans doute donner le change, mais le sourire ironique de la jeune femme expliquait tout. Henri devina bien qu’elle venait de repousser les avances de ce brutal. Lorsque le clerc partit, il l’accompagna sur le palier sous prétexte de l’éclairer et en réalité le gourmanda. Laure ne put saisir que cette exclamation : « Maladroit ! »

— Pourquoi l’appelais-tu maladroit ! questionna-t-elle douloureusement émue.

— Il a failli éteindre ma bougie en rallumant son cigare.

— Ah ! ne lui trouvais-tu pas une drôle de mine, ce soir ?

— Moi, je l’ai trouvé comme d’habitude, répondit Henri gardant une tenue maussade ; et il se coucha brusquement, le dos tourné.

À minuit, Laure se releva, et, sans se soucier du froid, elle s’étendit, ne pouvant dormir, dans les coussins, à côté du foyer où brûlait une bûche. Les regards hypnotisés par la braise mourante, suivant les étincelles qui filaient, muettes, au vague noir de l’âtre, elle pleurait. De quoi se plaindrait-elle ? n’était-elle pas plus coupable que lui ! Elle l’avait trompé en son absence et avait eu la bassesse de ne pas le lui dire ! Il fallait cesser toutes relations, briser les dernières chaînes, mais il finirait mal et lâchement leur pauvre amour. ! D’ailleurs, avec le prochain renouveau reviendraient les folies de ses sens, elle le tromperait encore. Lion, se glissant vers sa maîtresse, la flairait, ronronnait.

— Toi, tu es toujours là quand je pleure, murmura-t-elle agacée. Qu’est-ce tu as donc à m’espionner ainsi ?

L’animal se dressa, posa ses deux pattes sur ses épaules, très délicatement lui lécha les joues, buvant ses larmes. Alors elle eut un de ces étonnements profonds qui apaisent les douleurs les plus violentes, puisqu’ils bouleversent l’ordre établi dans la nature. Comme une mère peut être heureuse de voir s’épanouir l’intelligence de son enfant, elle fut ravie, se sentit privilégiée parmi les femmes, se consola de toutes ses tristesses en une explosion de passion pour les humbles, et remercia ce chat de lui avoir parlé.