Le Marquis de Villemer/Chapitre XXII

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Calmann-Lévy (p. 306-319).
XXII


Caroline avait raison de redouter les investigations de M. de Villemer auprès de sa sœur. Il était déjà retourné deux fois à Étampes, et, comprenant bien que la délicatesse lui interdisait tout ce qui aurait pu ressembler à un système d’interrogations, il se bornait à observer l’attitude et à commenter les réticences de Camille. Il pouvait dès lors se tenir pour assuré que madame Heudebert connaissait la retraite de sa sœur, et que sa disparition ne lui causait point d’inquiétude réelle. Camille tenait en réserve la lettre où Caroline disait avoir trouvé un emploi hors de France, et elle ne la produisait pas. Elle voyait tant d’angoisse et de souffrance dans les traits déjà profondément altérés du marquis qu’elle n’osait porter ce dernier coup au bienfaiteur, au protecteur de ses enfants. Puis madame Heudebert ne partageait pas tous les scrupules et ne comprenait pas toute la fierté de Caroline. Elle n’avait osé l’en blâmer, mais elle ne se fût pas fait un si grand crime d’affronter un peu le mécontentement de la marquise, et de devenir sa bru quand même. « Puisque les offres du marquis étaient si sérieuses, pensait-elle, puisque sa mère l’aime au point de n’oser le contrarier ouvertement, puisque enfin il est majeur et maître de sa fortune, je ne vois pas pourquoi Caroline n’eût pas employé son crédit sur la vieille dame, son esprit de persuasion et l’évidence de son propre mérite à lui faire doucement accepter la convenance de ce mariage… Allons ! ma pauvre Caroline, avec toute sa vaillance et tout son dévouement, est trop romanesque, et elle va se tuer pour nous faire vivre, tandis qu’avec un peu de patience et d’habileté, elle pouvait être heureuse et nous rendre tous heureux. »

C’était là une autre théorie du bon sens que le lecteur pourra mettre en regard de celle de Peyraque et de Justine. Le lecteur est libre d’accorder la préférence à celui des deux raisonnements qui lui semblera le meilleur ; mais le narrateur est forcé d’avoir une opinion, et il avoue un peu de partialité pour Caroline.

Le marquis sentit que madame Heudebert faisait des allusions timides à cette situation, et il vit qu’elle savait tout. Il se livra un peu plus qu’il n’avait fait encore, et Camille, encouragée, lui demanda avec assez de maladresse si, dans le cas où la marquise serait inexorable, il était bien décidé à offrir à Caroline de l’épouser. Elle semblait prête à trahir le secret de sa sœur, si le marquis engageait sa parole. Le marquis répondit sans hésiter : — Si j’étais sûr d’être aimé, si le bonheur de mademoiselle de Saint-Geneix dépendait de mon courage, je saurais faire fléchir à tout prix les répugnances de ma mère ; mais vous ne me donnez pas d’espoir ! Donnez-m’en, et vous verrez !…

— Moi ? dit Camille, interdite et confuse. — Elle hésita à répondre. Elle avait bien cru deviner le secret de Caroline ; mais celle-ci s’en était toujours fièrement défendue, non par des mensonges, mais en ne se laissant pas interroger, et madame Heudebert ne se sentait pas la hardiesse de la blesser profondément dans sa dignité en prenant sur elle-même de la compromettre. — Voilà ce que je ne sais pas plus que vous, reprit-elle. Caroline est une âme si forte, que je ne la pénètre pas toujours.

— Et cette âme est si forte en effet, dit le marquis, qu’elle n’accepterait jamais mon nom sans la véritable bénédiction de ma mère. Voilà ce que je sais encore mieux que vous. Ne me dites donc rien ; c’est à moi seul d’agir. Je ne vous demande plus qu’une chose, c’est de me permettre de veiller sur votre existence et sur vos enfants jusqu’à nouvel ordre, et même… oui, j’oserai vous dire cela ! j’ai une crainte affreuse que mademoiselle de Saint-Geneix ne se trouve sans ressources, exposée à des privations qui me font frémir. Ôtez-moi cette amertume… Permettez-moi de vous laisser une somme que vous me remettrez, si l’emploi n’en est pas nécessaire, mais que vous lui ferez passer au besoin comme venant de vous.

— Oh ! cela est bien impossible, répondit Camille : elle devinerait, et ne me pardonnerait jamais d’avoir accepté !

— Je vois que vous la craignez beaucoup.

— Je la crains comme tout ce qu’on respecte.

— C’est donc comme moi ! répondit le marquis en prenant congé. Je la crains au point de n’oser plus la chercher, et pourtant il faudra la retrouver ou mourir !

Le marquis eut peu après avec sa mère une explication assez vive. Bien qu’il la vît souffrante, triste, et regrettant Caroline cent fois plus qu’elle ne voulait l’avouer, bien qu’il se fût promis d’attendre un meilleur moment pour s’éclairer, l’explication arriva, malgré lui et malgré la marquise, par la fatalité des circonstances. La situation était trop tendue et ne pouvait plus se prolonger. Madame de Villemer avoua qu’elle avait conçu des préventions soudaines contre le caractère de mademoiselle de Saint-Geneix, et qu’au moment de tenir sa parole, elle lui avait fait sentir qu’elle en souffrait amèrement. Peu à peu, sur les questions ardentes du marquis, l’entretien s’anima et madame de Villemer, poussée à bout, laissa échapper la condamnation de Caroline. L’infortunée avait commis une faute, pardonnable aux yeux de la marquise en tant qu’amie et protectrice, mais qui lui rendait impossible la seule pensée d’en faire sa fille.

Devant le résultat de la calomnie, le marquis ne faiblit pas un instant. — C’est un mensonge infâme, s’écria-t-il hors de lui, un lâche mensonge, et vous avez pu y croire ! Il a donc été bien habile et bien audacieux ? Ma mère, vous allez me dire tout, car, moi, je ne suis pas disposé à me laisser tromper !

— Non, mon fils, je ne vous dirai plus rien, répondit madame de Villemer avec fermeté, et toute parole que vous ajouterez à celles que vous venez de me dire, je la considérerai comme un manque d’affection et de respect.

La marquise resta donc impénétrable ; elle avait donné sa parole à Léonie de ne pas la trahir, et d’ailleurs pour rien au monde elle n’eût voulu semer la discorde entre ses deux fils. Le duc lui avait dit si souvent devant Urbain que jamais il n’avait cherché ni obtenu un seul doux regard de Caroline ! Ceci était, selon la marquise, un mensonge que le marquis ne pardonnerait jamais. Elle savait maintenant qu’il avait pris le duc pour confident, que celui-ci s’affectait de sa douleur et faisait faire des démarches à sa femme pour chercher Caroline dans tous les couvents de Paris. « Il ne parle pas, se disait la marquise ; il ne détourne pas sa femme et son frère de cette extravagance, lorsqu’il devrait au moins confesser le passé au marquis pour le guérir ! Il serait donc trop tard pour risquer de pareils aveux, et je ne puis le faire sans exposer mes deux fils à s’égorger après s’être tant aimés. »

Caroline cependant écrivait à sa sœur :

« Tu t’effrayes de me savoir dans un pays si accidenté, et tu me demandes ce qu’il a d’assez beau pour que l’on risque de s’y tuer à chaque pas. D’abord il n’y a vraiment aucun danger pour moi sous la conduite de mon bon Peyraque. Les chemins, qui seraient vraiment horribles et je crois impossibles pour des voitures comme celles que nous connaissons, se trouvent justes assez larges pour les petits chars du pays. D’ailleurs Peyraque est très-prudent. Quand son œil ne lui dit pas bien au juste l’espace qu’il lui faut, il a pour s’en assurer un procédé qui m’a fait beaucoup rire la première fois que je le lui ai vu employer. Il me confie les rênes, met pied à terre, prend son fouet, sur le manche duquel la largeur exacte de sa voiture est marquée par une entaille, et, faisant quelques pas en avant, il va mesurer le passage entre le rocher et le précipice, quelquefois entre le précipice de droite et celui de gauche. Si le chemin a un centimètre de plus qu’il ne nous est nécessaire, il revient triomphant et nous passons à fond de train. Si nous n’avons pas ce centimètre pour prendre nos ébats, il me fait descendre, et passe la voiture en tenant la bête par la bride. Quand nous rencontrons deux petits murs d’enclos bordant un sentier de piétons, nous mettons une roue sur chaque mur et le cheval dans le sentier. Je t’assure qu’on s’habitue si bien à tout cela, que je n’y pense plus. Les chevaux d’ici n’ont ni frayeurs, ni caprices ; ils connaissent aussi bien que nous le danger, et il n’arrive pas plus d’accidents que dans la plaine. Je t’ai sans doute exagéré le péril de ces courses dans mes premières lettres ; c’était de la vanité, ou un reste de peur dont je suis bien guérie, à présent que je la reconnais mal fondée.

« Quant à la beauté du Velay, je ne pourrais jamais te la décrire. Je n’imaginais pas qu’il y eût, au cœur de la France, des contrées si étranges et si imposantes. C’est encore plus beau que l’Auvergne, que j’ai traversée pour y arriver. La ville du Puy est dans une situation unique probablement ; elle est perchée sur des laves qui semblent jaillir de son sein et faire partie de ses édifices. Ce sont des édifices de géants ; mais ceux que les hommes ont assis aux flancs et parfois au sommet de ces pyramides de lave ont été vraiment inspirés par la grandeur et l’étrangeté du site.

« La cathédrale est d’un admirable style roman, de la même couleur que le rocher, un peu égayée seulement par des mosaïques blanches et bleues au fronton. Elle est placée de manière à paraître colossale, car on y arrive par une montagne de degrés à donner le vertige. L’intérieur est sublime de force élégante et d’obscurité religieuse. Jamais je n’ai compris et pour ainsi dire senti la terreur du moyen âge comme sous ces piliers noirs et nus, sous ces coupoles chargées d’orage. Il faisait une tempête furieuse quand j’y suis entrée. Les éclairs traversaient de lueurs infernales les beaux vitraux qui sèment des pierreries sur les murs et sur les pavés. La foudre avait des roulements qui semblaient partir du sanctuaire même. C’était Jéhovah dans toute sa colère ;… mais cela ne m’effrayait pas. Le Dieu vrai que nous aimons aujourd’hui n’a point de menaces pour les faibles. Je l’ai prié là avec une confiance entière, et j’ai senti que je valais mieux après. Quant à ces beaux temples des âges rudes et farouches de la foi, on comprend qu’ils sont l’expression du grand mot mystère, dont il était défendu de soulever les voiles. Si M. de Villemer eût été là, il m’eût dit…

« Mais il n’est pas question de faire un cours d’histoire et de philosophie religieuse. Les pensées de M. de Villemer ne sont plus le livre où je m’instruisais du passé et qui me fera pressentir l’avenir.

« Tu vois que, grâce à l’envie que le bon Peyraque a de me montrer les merveilles du Velay, grâce aussi à ma capeline impénétrable, j’ai pu me risquer dans la ville et dans les faubourgs. La ville est partout pittoresque ; c’est encore une ville du moyen âge, toute semée d’églises et de couvents. La cathédrale est flanquée d’un monde de constructions antiques, où, sous des arcades mystérieuses et dans les plis du rocher qui les porte, on voit des cloîtres, des jardins, des escaliers et des ombres muettes qui passent sous le voile et sous la soutane. Il règne par là un silence étrange et je ne sais quelle odeur du passé qui donne froid et peur, non pas de Dieu, source de toute confiance et de toute liberté d’âme, mais de tout ce qui, au nom de Dieu, rompt sans retour les liens et les devoirs de l’humanité. Dans notre couvent, je me souviens que la vie religieuse me paraissait riante : ici, elle est d’un sombre à faire trembler.

« De la cathédrale, on descend pendant une heure pour gagner le faubourg d’Aiguilhe, où se dresse un autre monument à la fois naturel et historique, qui est bien la plus étrange chose du monde. C’est un pain de sucre volcanique de trois cents pieds de haut, où l’on monte par un escalier tournant jusqu’à une chapelle byzantine nécessairement toute petite, mais charmante, et bâtie, dit-on, sur l’emplacement et avec les débris d’un temple de Diane.

« On raconte là une légende qui m’a frappée. Une jeune fille, une vierge chrétienne, poursuivie par un mécréant, s’est précipitée, pour lui échapper, du haut de la plate-forme : elle s’est relevée aussitôt ; elle n’avait aucun mal. Le miracle fit grand bruit. On la déclara sainte. L’orgueil lui monta au cœur, elle promit de se précipiter de nouveau, pour montrer qu’elle disposait de la protection des anges mais cette fois le ciel l’abandonna, et elle fut brisée comme une vaine idole…

« L’orgueil ! oui, Dieu laisse les orgueilleux à eux-mêmes… Et sans lui que peuvent-ils ?… Mais ne me dis pas que j’ai de l’orgueil… Non, ce n’est pas cela ! Je ne veux rien prouver à personne. Je demande qu’on m’oublie et qu’on ne souffre point à cause de moi.

« Il y a auprès du Puy, et faisant partie de son magnifique paysage, un village que couronne aussi une de ces roches isolées, singulières, qui percent ici la terre à chaque pas. Cela s’appelle Espaly, et le rocher porte aussi des ruines de château féodal et des grottes celtiques. Une de ces grottes est habitée par un pauvre vieux ménage dont la misère est navrante. Les deux époux sont là dans la roche vive, avec un trou pour cheminée et pour fenêtre. La nuit, on bouche en hiver la porte avec de la paille, en été avec le jupon de la vieille femme. Un grabat sans draps et sans matelas, deux escabeaux, une petite lampe de fer, un rouet et deux ou trois pots de terre, voilà tout le mobilier.

« A deux pas de là, il y a pourtant une vaste et splendide maison de jésuites qu’on appelle le Paradis. Au bas du rocher coule un ruisseau qui charrie des pierres précieuses dans son sable. La vieille femme m’a vendu pour vingt sous une poignée de grenats, de saphirs et d’hyacinthes que je garde pour Lili. Les grains sont trop petits pour avoir aucune valeur, mais il doit y avoir un précieux gisement dans ces rochers. Les pères jésuites le découvriront peut-être ; moi, je ne compte pas faire cette découverte : aussi faut-il que je songe à me procurer du travail. Peyraque a une idée dont il m’entretient depuis quelques jours, et qui lui est venue précisément à ce rocher d’Espaly ; voici comment.

« Tout en me promenant sur ce rocher, je me suis prise d’amour pour un petit enfant qui jouait sur les genoux d’une belle villageoise, forte et riante. Cet enfant-là, vois-tu, je ne peux le comparer qu’à Charlot pour la sympathie qu’il inspire. Il ne lui ressemble pas, mais il a comme lui des chatteries et des caresses timides qui vous feraient volontiers son esclave. Comme je le faisais admirer à Peyraque, remarquant qu’il était tenu avec une grande propreté, que sa mère ne faisait pas de dentelle et paraissait uniquement occupée de lui, comme si elle eût compris qu’elle avait là un trésor, Peyraque m’a répondu : — Vous dites plus vrai que vous ne pensez. Cet enfant-là est un trésor pour la Roqueberte. Si vous lui demandez à qui il est, elle vous répondra que c’est l’enfant d’une sœur qu’elle a à Clermont ; mais ce n’est pas vrai : le petit lui a été confié par un monsieur que personne ne connaît, et qui l’a payée pour le nourrir, qui la paye encore pour en prendre grand soin, comme si c’était un fils de prince. Aussi vous voyez que cette femme est bien habillée et ne travaille pas. Elle était déjà à son aise. Son mari est gardien du château de Polignac, dont vous voyez là-bas la grande tour et toutes les ruines sur un rocher encore plus gros et plus haut que celui d’Espaly. C’est là qu’elle demeure, et si vous la rencontrez ici, c’est qu’à présent elle a tout à fait du bon temps pour se promener. La vraie mère du petit doit être morte, car on n’a jamais entendu parler d’elle ; mais le père vient le voir, donner de l’argent, et recommander qu’on ne le laisse manquer de rien.

« Tu vois, chère sœur, qu’il y a là un roman. C’est peut-être un peu cela qui m’a attirée, puisque, selon toi, je suis si romanesque ! Il est certain que ce petit garçon a quelque chose qui s’empare de l’imagination. Il n’est pas fort, et l’on dit qu’il n’avait que le souffle quand on l’a apporté au pays ; mais il est très-frais à présent, et la montagne lui convient si bien que le père, étant venu l’an dernier, à peu près à cette époque-ci, pour le remmener, s’est décidé à le laisser encore un an pour qu’il achève de se fortifier. Il a une figure d’ange rêveur, ce petit être, des yeux d’une expression qu’on n’a pas à cet âge-là, et des manières d’une grâce inouïe.

« Peyraque, m’en voyant si coiffée, se gratta la tête d’un air profond, et reprit : — Eh bien dites donc, puisque cela vous va, les petits enfants, pourquoi, au lieu de faire l’état de lire tout haut, qui doit bien vous fatiguer, ne chercheriez-vous pas un petit pensionnaire comme ça, que vous élèveriez chez votre sœur avec les autres enfants ? Cela vous laisserait dans votre famille et dans vos habitudes.

« — Tu oublies, mon bon Peyraque, que de longtemps peut-être je ne peux pas me montrer chez ma sœur.

« — Eh bien ! votre sœur viendrait demeurer par ici, ou bien, pendant un an ou deux, vous resteriez chez nous ; ma femme vous aiderait à soigner l’enfant, et vous n’auriez que la peine de le surveiller et de l’instruire. Tenez ! j’ai une idée sur celui-ci, moi, puisqu’il vous plaît tant, que vous en voilà comme affolée. Son père va venir le chercher un jour ou l’autre. Si je lui parlais de vous ?

« — Tu le connais donc ?

«  — Je lui ai servi de conducteur une fois pour se promener vers la montagne dans ma carriole. Il paraît un très-brave homme, mais trop jeune pour se charger d’élever lui-même un enfant de trois ans. Il faudra bien qu’il le confie à une femme, et il ne peut pas le laisser plus longtemps aux Roquebert, qui ne sont pas en état de lui enseigner ce qu’un petit monsieur comme lui doit savoir. Ce serait votre affaire à vous, jamais le père ne rencontrera une si bonne mère pour son enfant. Espérez, espérez (ce qui signifie attendez ! ). J’aurai l’œil sur Polignac, et dès qu’il arrivera, ce père, je saurai bien lui parler comme il faut.

« Je laisse le bon Peyraque nourrir ce projet, ainsi que Justine, mais je n’y crois pas, vu que le mystérieux personnage qu’on attend ici fera sur moi des questions auxquelles je ne veux pas que l’on réponde, à moins d’être bien sûre qu’il ne connaît de près ni de loin aucune des personnes auxquelles je veux cacher ma retraite. Et comment m’assurer de cela. L’idée de Peyraque n’en est pas moins par elle-même une bonne idée. Élever un enfant chez nous pendant quelques années me plairait infiniment mieux que d’entrer de nouveau dans une famille étrangère. Mieux me vaudrait une fille qu’un garçon, parce qu’on me la laisserait plus longtemps : mais il n’y aurait sans doute pas beaucoup de choix, car ces enfants de l’amour cachés par leurs parents ne sont pas faciles à découvrir. Et puis il faudrait que l’on eût toute confiance en moi, que l’on me connût bien. Madame d’Arglade, qui sait tout les secrets du monde, me trouverait cela ; cependant je n’ai plus envie de m’adresser à elle : sans le vouloir, elle me porterait encore malheur. »