Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans/T1-15

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Auguste Brancart (I et IIp. 221-235).

Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, bandeau de début de chapitre
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CHAPITRE XV.

LES COMBATS.





P armi les jeunes héros qui, animés du même esprit que moi, marchent sous les ordres de nos chefs, je ne puis m’empêcher de citer le bel et brave Emanuel d’Armanterre. Emanuel avait seize ans ; ses grâces aimables, son courage indomptable, son noble amour pour la gloire, sa tendresse pour sa famille, faisaient de lui l’être le plus intéressant qui eût paru dans nos phalanges. Depuis quatre ans il suivait les Vendéens, et depuis cette époque il s’était attaché à la jeune et belle Célénie qui, parée des attraits les plus célestes, égalait, par son généreux courage, celui de mon Honorée. Ainsi qu’Emanuel, elle chérissait ses parens ; mais par-dessus tout, elle adorait son père. Élevée par ce père sensible, elle lui devait tout, et sa reconnaissance était sans borne. Conduite aussi dans les camps dès son bas âge, elle avait appris à braver la mort pour la plus juste des causes, celle de Dieu et du prince. Qu’elle était belle, cette intéressante Célénie ! toutes les perfections, tous les charmes les plus séduisans paraient son gracieux ensemble. À son aspect, on éprouvait le sentiment de l’admiration la plus respectueuse. Après celui qui lui donna la vie, l’être que Célénie aimait le plus était Emanuel. Leur tendresse, augmentée par les dangers qu’ils partageaient ensemble, soupirait après le jour heureux dont les rayons devaient éclairer leur hymen : ces nœuds sacrés devaient bientôt se serrer pour eux. Vaincu par leur impatience, M. de Mersan les remenait au quartier-général ; et là, leurs vœux devaient être comblés. J’enviais leur sort ; ils étaient sûrs d’être l’un à l’autre, lorsque moi je ne pouvais point répondre d’appartenir jamais à Honorée ; je croyais ne faire jamais assez pour mériter dignement sa main. Pendant la route, je ne cessais de penser à mon amie, et mon cœur amoureux cherchait à charmer ses peines par une militaire romance que je me plaisais à composer.

CHANT DU FRANÇAIS.

ROMANCE.

Qu’il est beau le jour des combats,
Pour un Français qu’amour enflamme !
La gloire dirige ses pas
Quand la beauté règne en son ame ;
Il dédaigne un lâche repos
Dont son cœur généreux s’offense,
Et réunit sous les drapeaux,
L’amour, l’amitié, la vaillance.

Par des triomphes belliqueux,
Je mériterai mon amie ;
Oui, le doux espoir d’être heureux,
Ranime mon ame endormie ;
Non, plus de paix, plus de repos,
Et fils aimable de la France,
Je dois unir sous mes drapeaux,
L’amour, l’amitié, la vaillance.

Mon corps appartient à mon roi,
À mon Dieu, mon ame fidèle ;
Mais ce cœur qui brûle pour toi,
N’est qu’à toi seule, ô tendre belle !
Et quand je m’arrache au repos,
Pour la plus illustre vengeance,
Je réunis sous mes drapeaux,
L’amour, l’amitié, la vaillance.

Nous avions marché tout le jour, lorsque vers le soir un paysan parut à la vue de notre armée, dont le chevalier d’Aut.... venait de prendre le commandement : „Pressez-vous, nous dit cet homme couvert de poussière et harassé de fatigue ; le général républicain Saint-Clair, furieux de l’échec qu’il a essuyé sous les murs de M...., ayant appris que quelques Vendéens s’étaient retirés dans le château du vicomte de Marceuil, vient d’en entreprendre le siége. M. le vicomte, loin d’être environné des braves Vendéens, est seul avec sa famille ; mais il n’a point voulu se rendre, et s’est mis en état de défense.” Ce discours nous enflamma : nous n’osions espérer que M. de Marceuil pût se soutenir longtemps contre des forces tant supérieures, et nous résolûmes de le venger, s’il avait succombé dans sa généreuse entreprise. Nos soldats, partageant nos mêmes sentimens, nous demandent avec impatience de les conduire au secours de ce noble Français. Leur ardeur étant la nôtre, nous nous avançons à marche forcée vers le lieu où nous allions combattre de nouveau. De toute part s’élevaient des cris d’indignation : nos troupes, vêtues de gris, portant sur leurs camisoles une croix blanche, marchaient, la tête basse, dans un morne recueillement, interrompu par leurs accens de menace ou par des chants religieux qu’entonnaient les prêtres dont nous étions suivis ; chaque brigade se divisait en paroisses, qui toutes avaient leurs chefs et leurs bannières particulières. Partout régnait l’ordre, le courage et l’amour de la religion. Fermement convaincus que la couronne du martyre était assurée à celui qui tombait sur le champ de bataille, les Vendéens eussent été invincibles, si la mésintelligence n’eût pas éclaté parmi leurs généraux. Chacun d’eux, plus ambitieux peut-être qu’attaché à ses devoirs, voulait s’arroger une indépendance funeste à la cause commune. Les mouvements, les attaques, les retraites manquaient de cet ensemble qui en assure le succès : chacun voulait donner des ordres, et nul ne prétendait en recevoir : vaillans au combat, ils intriguaient dans la paix ; tous, sans doute, brûlaient du plus généreux enthousiasme ; mais ils étaient hommes, et dès-lors l’amour propre devait leur commander.

À l’entrée de la nuit, nos premières phalanges parurent sur les coteaux qui environnaient le château de M. de Marceuil. Des clameurs élevées jusques aux cieux, quelques coups de canon tirés sur les ennemis, apprirent à ce valeureux royaliste qu’un puissant secours lui était arrivé ; il était temps. Par une bravoure peu ordinaire, le vicomte de Marceuil, seul avec un domestique, sa femme et ses filles, soutenait, depuis vingt quatre heures, un siège sans exemple. Son château, soigneusement barricadé, par l’épaisseur de ses murs, la hauteur de ses fenêtres, résistait aux canons des républicains et les empêchaient de tenter l’escalade. Ses filles, jeunes et jolies, devenues de courageuses amazones, chargeaient les armes de leur père, et partageaient avec lui les dangers du siège[1]. La rapidité du feu perpétuel que le vicomte et sa famille ne cessaient de faire, intimidant l’armée révolutionnaire, lui faisait croire qu’une partie des troupes vendéennes s’était retranchée dans le château. Cependant Saint-Clair, qui voulait, par un succès quelconque, réparer son dernier échec, prétendait forcer les barrières qu’on opposait à sa rage forcenée ; mais il fut trompé dans son espoir, lorsqu’aux derniers rayons du soleil il nous vit prêts à fondre sur lui. Il fit cesser l’attaque du château, et plaçant de ce côté des pelotons propres à empêcher les assiégés de faire une sortie, il dirigea ses forces principales du côté de notre armée. Pendant ses divers mouvemens, la nuit acheva d’envelopper le globe de son voile sombre, parsemé de brillantes étoiles.

Le chevalier d’Aut...., ne voulant point commencer une attaque nocturne qui répugnait aux Vendéens, assit son camp sur les hauteurs dont il était le maître, et remit le combat au jour suivant. Il assembla son conseil de guerre, et présentant son plan, il nous désigna les divers postes que nous devions occuper. Quel fut mon bonheur, quand je vis que ma division était une des premières qui devait donner ! Charles de Mercourt devait me suivre, et l’amitié que nous nous portions redoubla dans ce jour terrible, tant les dangers resserrent l’union !

L’aurore commençait à teindre de ses premières couleurs les airs encore soumis au sceptre de la noire déesse, lorsqu’un coup de canon se faisant entendre, nous apprit que le moment était arrivé. Harcelé par mon impatience, déjà depuis quelques instans, j’avais abandonné la couche fraternelle où je reposais auprès de Charles : assis sur un quartier de rocher, contemplant l’étendue et la magnificence des cieux, je sentais dans mon âme se heurter les plus pieux comme les plus chevaleresques sentimens. Qu’elles étaient fortes les émotions qui vinrent alors m’agiter ! J’allais exposer ma vie ; peut-être que ma tombe s’élèverait sur le lieu qui m’allait voir combattre. „Ah ! me disai-je, comment paraîtrai-je alors devant ce Dieu que je révère ? Mes erreurs me seront-elles comptées ? Mon âge, la cause que je soutiens ne plaideront-ils pas en ma faveur ? Ô toi ! Être-Suprême, toi qu’on nous peint trop souvent armé des foudres de ta colère, j’espère en ta douce et paternelle miséricorde ; tu ne me jugeras point à la rigueur ; et si je fus coupable, tu pardonneras à celui qui se repent !”

Ainsi la religion m’occupait, tandis que je voyais s’éteindre successivement les feux allumés dans les deux camps ; ainsi, pensai-je, nombre de braves cesseront d’exister. À travers la vapeur matinale, je voyais flotter les enseignes et briller les armes frappées par les premiers rayons du jour.

Charles venait de me rejoindre ; le bel Emanuel, suivi de la fière Célénie, passèrent à côté de moi, et me saluèrent avec allégresse, tandis qu’à leur vue un pressentiment secret vint m’arracher une larme involontaire. L’aumônier de mon bataillon nous bénit tous. À genoux, dans un humble recueillement, nous appelâmes à notre secours le Dieu des armées ; et le souvenir de la vision dont j’étais encore ému me prêta d’énergiques expressions, dont je me servis pour animer davantage les soldats dont je devais répondre. Je leur rappelai nos premiers exploits, qui devaient être l’augure de ceux de la journée : tous m’assurèrent de leur valeur ; je me plus à les croire ; et ayant reçu les derniers ordres du chevalier d’Aut....., je donnai le signal.

Le roulement du tambour se fit entendre à la fois sur toute l’étendue de la ligne. Vêtu d’un habit orné d’une écharpe blanche, à frange d’or, portant un panache blanc sur mon chapeau, je parus à la tête de ma troupe, et voulant donner moi-même, je mis pied à terre ; ayant mis mon épée à la main, je partis le premier, en poussant le cri de vive le roi ! qui fut répété par toute l’armée, et dont les échos retentirent. Les phalanges vendéennes se déployant avec ordre, attaquèrent par trois côtés les républicains indignés de notre audace ; après une vive fusillade, on s’approcha au point de combattre à l’arme blanche. Ô que de hauts faits signalèrent cette mémorable journée ! Charles, je te dus la vie, et je pus presque en même-temps sauver la tienne également menacée. Saint-Clair, que le hasard m’avait donné pour adversaire, ayant reconnu mon écusson, dont était décoré le drapeau principal, s’avança vers moi environné de l’élite de sa troupe : en ce moment, par une marche rapide, je voulais tourner le dos des ennemis, et sans m’apercevoir que peu de braves m’accompagnaient, je me laissais emporter par ma fougue naturelle ; Saint-Clair, m’apercevant, profite de ma position qui ne me permettait pas de voir le péril qui me menaçait, s’avance derrière moi, et tenant son sabre à deux mains il allait m’immoler, lorsque Charles, poussant un cri terrible, m’annonce le péril ; je me retourne avec promptitude, et faisant face à mon lâche ennemi, je le presse et le pousse à mon tour ; Saint-Clair, qui n’avait d’autre bravoure que celle de vociférer dans les tribunes, qui ne devait son élévation qu’à ses intrigues, ne me résiste pas longtemps, et se faisant un rempart de ses soldats, m’échappe ainsi, mais toujours plus animé contre moi : Charles, que sa bassesse indigne, s’élance après lui, et perce les rangs de nos adversaires ; entouré de toute part il succombait… Je l’avais suivi, et quel bonheur pour moi, je l’arrache à une mort certaine. La retraite de Saint-Clair ayant porté le découragement dans le corps qu’il commandait, il se débanda dans la plaine, et nous pûmes percer, sans de nouveaux obstacles, jusqu’aux portes du château du vicomte de Marceuil, qui s’ouvrit pour nous recevoir.

Pendant que la victoire couronnait ainsi nos efforts, une scène affreuse se passait dans le second corps de notre armée. Emanuel, qui voulait toujours se distinguer aux yeux de Célénie, sans réfléchir à la témérité de son entreprise, s’était jeté au milieu d’un gros de républicains, pour enlever le drapeau, conquête par lui vivement enviée. Ce gage du succès était aussi bien défendu par les patriotes, qu’Emanuel l’attaquait à la tête des siens ; le sang coulait partout ; la fumée, les tourbillons de poussière, dérobaient une partie des combattans à l’autre partie ; Célénie, séparée de son amant, et conservant pour lui de justes craintes, pressa son père de voler au secours d’Emanuel. M. de Mersan, dont il n’était pas nécessaire d’aiguillonner la bravoure, part avec sa fille, et renversant tout se qui s’oppose à leur passage, ils arrivent auprès du jeune guerrier ; il venait de saisir le drapeau désiré ; mais ce triomphe était chèrement acheté par une quadruple blessure, par laquelle s’épuisaient ses forces. Tandis que son sang s’épanchait à gros bouillons, pâle et chancelant, la vue de son amante le ranime ; s’il doit expirer devant elle, il veut du moins que son trépas soit glorieux. Hélas ! il doit mourir dans l’instant où tout triomphe autour de lui ; mais, moins à plaindre, il ne sera plus le témoin de la mort épouvantable de celle qu’il adore. Célénie, éperdue, a vu Emanuel ne plus tenir son fer que d’une main mal assurée. Elle contemple avec désespoir ses yeux, autrefois remplis d’une ardente flamme, s’éteindre, couverts des ombres dernières. « Adieu, lui dit Emanuel, adieu, chère amie ; l’hymen n’allumera pas ses flambeaux pour nous. Je meurs, et mon dernier soupir se partage entre mon Dieu et toi.”

Célénie cherchant à l’entraîner loin de la mêlée, espérait encore, quand un soldat barbare égorge brutalement le jeune héros chrétien. À cette indigne action, M. de Mersan pousse un cri de rage, et s’élance sur l’assassin ; mais la fatigue trompe sa vengeance. Il est lui-même sur le point d’être accablé. Célénie, qui, en perdant son amant, semblait être devenue insensible à tout ce qui l’environnait, apercevant le péril que court son père, vole pour le défendre ; elle est encore le nouveau témoin de ce nouveau meurtre, le même monstre immole M. de Mersan. Célénie tombe, épuisée par sa double douleur ; et oserai-je le dire, le cannibale qui vient de lui porter de si funestes coups, passe à plusieurs reprises le fer qui ruisselle du sang d’Emanuel et de M. de Mersan, sur les lèvres décolorées de Célénie… À cette dernière horreur, son corps frémit, ses membres se roidissent, et son ame se hâte de quitter sa dépouille mortelle[2].

Une clameur générale d’indignation s’élève de toutes parts à la nouvelle de cette atroce férocité ; mes pleurs ne peuvent cependant me priver de courir à la vengeance. Pareil à la foudre, mon escadron fond avec rapidité sur l’escadron barbare : rien ne nous résiste ; tout est vaincu, tout est immolé, et l’assassin perd la vie, qu’on eût voulu pouvoir lui arracher mille fois. Le combat n’est plus qu’une déroute : partout chargés, partout les républicains succombent. On les poursuit, on les accable ; et c’en était fait de cette armée, si une division, commandée par le généreux Hippolyte, ne fût arrivée à propos. Ce fut auprès de lui que quelques bataillons trouvèrent une retraite. Nos jeunes courages demandaient à attaquer sur-le-champ ce nouvel ennemi ; mais le chevalier d’Aut...., prudent après une victoire, ne voulut point s’exposer à combattre des troupes fraîches, et dont le nombre était ignoré. Hippolyte, de son côté, se voyant inférieur aux colonnes royales, se retira en bon ordre, content d’avoir sauvé les débris des escadrons victimes de l’inexpérience de Saint-Clair. Après que nous fûmes restés maîtres du champ de bataille, on songea à se reposer quelques heures ; car il nous fallait partir dans la soirée pour aller rejoindre le quartier-général. J’employai ce moment à faire ensevelir nos morts, et parmi eux nous distinguâmes les restes d’Emanuel, de Célénie et de M. de Mersan. Sur le même tertre où ils avaient péri, nous élevâmes une simple tombe, parée de souvenirs et ombragée par deux chênes immenses, dont les vastes rameaux répandaient une perpétuelle obscurité sur cette demeure funèbre ; là, nous nous réunîmes, et posant nos glaives sur le cercueil de cette triste famille, nous jurâmes de les venger, et de mourir comme eux, si notre trépas pouvait être utile pour la cause commune. Ces soins pieux achevés, nous nous éloignâmes de ces contrées, emmenant avec nous le brave vicomte de Marceuil, son épouse et ses enfants.

Parmi nos compagnes de gloire, je commençais à y distinguer la folâtre Eudoxie : elle avait mon âge, j’avais sa vivacité ; elle était sensible, mon cœur brûlait : tout nous rapprochait, et nous ne tardâmes point à nous entendre.

Belle, grande, bien faite, mais un peu maigre, de grands yeux noirs à fleur de tête, de l’esprit sans échafaudage, de la candeur sans ostentation : telle était Eudoxie de Norris. Je l’avais vue, pour la première fois, dans la cathédrale de Nantes, à une cérémonie publique, et depuis lors son souvenir m’était resté. Ce fut avec joie que je la vis se placer parmi nous ; et malgré mes occupations militaires ou tendres, une arrière-pensée me ramenait vers la noble Eudoxie. Quand nous eûmes reçu l’ordre de revenir vers Charette, je compris qu’il ne me serait plus aussi facile de causer avec elle ; car devant et près d’Honorée je ne savais m’occuper que d’elle seule. Mais au milieu d’une armée en marche, comment se procurer ce tête-à-tête si difficile ? J’y rêvais, quand Charles vint me proposer une promenade dans un petit bois qui bordait la route, et dans lequel nous pourrions éviter l’extrême chaleur des rayons du soleil. Comme nos troupes défilaient avec ordre, je crus pouvoir m’éloigner un moment de mon bataillon. Quelques jeunes guerriers nous suivant, nous sollicitâmes les demoiselles à venir embellir notre course : elles acceptèrent ; et voilà messieurs les héros qui redevinrent ce qu’ils devaient être à leur âge, des enfans et des étourdis. Nous franchissons des fossés, nous nous défions à la course : peu à peu chacun s’éloigne, chaque couple suit un sentier différent, et nous demeurons seuls Eudoxie et moi : nous cheminions, causant avec distraction, portant peut-être à l’unisson un regard significatif sur les fourrés dont nous étions environnés. À la conversation galante succédaient de plus tendres discours : déjà nous plaignant de la chaleur brûlante, nous gagnons un ombrage tutélaire, quand un coup de fusil se fait entendre. À ce bruit, notre marche est suspendue ; l’amour s’éloigne ; et craignant quelque surprise de la part des républicains, nous coupons droit vers la grande route : plusieurs de nos compagnons nous rejoignent ; alors je leur confie Eudoxie ; et entraîné sans doute par un pouvoir surnaturel, je reviens sur mes pas pour approfondir la cause du bruit qui nous a tous alarmés. Vainement Eudoxie m’engage à la suivre ; je résiste : Charles veut m’accompagner, je le refuse, en l’engageant à prendre un autre chemin pour venir me rejoindre, en faisant un long détour ; et armé de mon épée, de deux paires de pistolets, je me sépare de mes amis, qui riaient entre eux de mon bizarre dessein.


Rochemond - Mémoires d’un vieillard de vingt-cinq ans, vignette fin de chapitre
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