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Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Nouvelle solution du Problème du mouvement de rotation d’un corps de figure quelconque qui n’est animé par aucune force accélératrice

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NOUVELLE SOLUTION
DU
PROBLÈME DU MOUVEMENT DE ROTATION
D’UN CORPS DE FIGURE QUELCONQUE
QUI N’EST ANIMÉ PAR AUCUNE FORCE ACCÉLÉRATRICE.


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1773.)


Séparateur


Ce Problème, l’un des plus curieux et des plus difficiles de la Mécanique, a déjà été résolu par M. Euler dans les Mémoires de cette Académie pour l’année 1758, et dans le tome III de sa Mécanique. M. d’Alembert l’a résolu aussi dans ses Opuscules. Les solutions de ces deux grands Géomètres sont fort différentes quant à la méthode, mais elles sont fondées l’une et l’autre sur la considération mécanique de la rotation du corps autour d’un axe mobile, et elles supposent qu’on connaisse la position de ses trois axes de rotation uniforme ; ce qui exige la résolution d’une équation cubique. Cependant, à considérer le Problème en lui-même, il semble qu’on devrait pouvoir le résoudre directement et indépendamment des propriétés des axes de rotation, propriétés dont la démonstration est assez difficile, et qui devraient d’ailleurs être plutôt des conséquences de la solution même que les fondements de cette solution. En effet, si l’on imagine un système d’un nombre indéfini de corps considérés comme des points et liés ensemble de manière que leurs distances mutuelles restent toujours les mêmes, et qu’on cherche le mouvement de ce système après qu’il aura reçu une impulsion quelconque, c’est une question qui ne dépend que des principes ordinaires de la Dynamique, et qui ne demande d’autres secours que ceux que l’Analyse elle-même peut fournir.

J’ai donc cru que ce serait un travail avantageux aux progrès de l’une et de l’autre de ces deux sciences que de chercher une solution tout à fait directe et purement analytique de , la question dont il s’agit ; c’est l’objet que je me suis proposé de remplir dans ce Mémoire ; les difficultés qu’il présente m’ont arrêté longtemps, mais entin j’ai trouvé moyen de les surmonter par une méthode assez singulière et entièrement nouvelle, qui me paraît digne de l’attention des Géomètres.

Le mérite de ma solution, si elle en a quelqu’un, consiste donc uniquement dans l’Analyse que j’y emploie, et qui renferme différents artifices de calcul assez remarquables, ainsi que plusieurs formules nouvelles et utiles dans bien des cas ; c’est par cette raison surtout que j’espère qu’on me pardonnera d’avoir entrepris de traiter un sujet qui a déjà été si savamment discuté par deux des premiers Géomètres de ce siècle. D’ailleurs mes recherches n’ont rien de commun avec les leurs que le Problème qui en fait l’objet ; et c’est toujours contribuer à l’avancement des Mathématiques que de montrer comment on peut résoudre les mêmes questions et parvenir aux mêmes résultats par des voies très-différentes ; les méthodes se prêtent par ce moyen un jour mutuel et en acquièrent souvent un plus grand degré d’évidence et de généralité.

Lemme.

1. Soient neuf quantités quelconques je dis qu’on aura cette équation identique

2. Corollaire I. — Donc, si l’on a entre les neuf quantités précédentes ces six équations

et qu’on fasse, pour abréger,

on aura

On aura de plus les équations identiques suivantes

qui sont très-faciles à vérifier par le calcul.

3. Corollaire II. Si l’on prend les trois équations

et qu’on en tire les valeurs des quantités on aura par les formules connues

donc, faisant les substitutions du numéro précédent et supposant, pour abréger,

on aura

4. Corollaire III. Si l’on fait varier les quantités en regardant comme constantes les quantités et et qu’on suppose

on aura, en vertu des équations du Corollaire I, ces six autres-ci

et à l’aide de ces neuf équations on pourra déterminer les neuf différentielles par des opérations et des réductions semblables à celles du numéro précédent.

Il n’y aura pour cet effet qu’à changer, dans les expressions de , les quantités d’abord en ensuite en et enfin en et l’on aura

Si l’on différentie maintenant les valeurs de du Corollaire précédent, en supposant aussi constantes les quantités, qu’on y substitue ensuite les valeurs de qu’on vient de trouver, et qu’on fasse, pour abréger,

on aura

Et, si l’on substitue ces valeurs ainsi que celles de dans ces expressions on aura, en employant les réductions du no 2,

5. Remarque I. — Si l’on regarde les trois quantités comme les coordonnées rectangles d’un point rapporté à trois axes fixes et perpendiculaires entre eux, et pareillementles quantités comme les coordonnées rectangles d’un autre point rapporté aux mêmes axes, et enfin les quantités comme les coordonnées rectangles d’un troisième point rapporté aussi à ces trois axes, il est visible que les quantités que nous avons supposées égales à

seront les carrés des distances des points au point commun d’intersection des trois axes, lequel nous nommerons simplement le centre des coordonnées ; et il est facile de voir de plus que les trois quantités

lesquelles, suivant nos hypothèses, sont égales à

exprimeront les carrés des distances entre les points entre les points et entre les points de sorte que, nommant les carrés de ces distances, on aura

Or si l’on nomme les angles formés au centre des coordonnées par les rayons par les rayons et par les rayons on aura, par la considération des triangles dont les côtés sont ou ou on aura, dis-je, ces valeurs de

donc

D’où il s’ensuit que si l’on a les trois rayons feront nécessairement entre eux des angles droits.

Imaginons maintenant une pyramide triangulaire qui ait ses quatre angles, l’un au centre des coordonnées, les autres aux points il n’est pas difficile de prouver que la solidité de cette pyramide sera exprimée par les coordonnées de cette manière

c’est-à-dire par la formule

par conséquent (2) cette solidité sera égale à d’où l’on voit que la quantité n’est autre chose que la pyramide dont il s’agit prise six fois. Ainsi cette quantité sera nulle toutes les fois que la pyramide en ques-

tion s’évanouira, ce qui arrive lorsque les trois points sont dans un même plan passant par le centre des coordonnées.

Comme toute pyramide est égale au tiers du produit de la base par la hauteur, si l’on divise la quantité par l’aire du triangle qui a ses trois angles, l’un au centre des coordonnées, les deux autres aux points et on aura la perpendiculaire menée de l’autre point sur le plan de ce triangle ; or puisque ce même triangle est formé par les deux lignes qui forment entre elles l’angle on aura

pour son aire ; on a

donc cette aire sera (3)

donc sera la valeur de la perpendiculaire menée du point sur le plan passant par le centre des coordonnées et par les deux autres points et

De plus, si l’on imagine par le même centre des coordonnées deux autres plans, l’un perpendiculaire au rayon du point l’autre perpendiculaire au rayon du point on verra aisément que la distance perpendiculaire du point sur le premier de ces plans sera représentée par

et que la distance perpendiculaire du même point sur l’autre plan le sera par

donc, puisqu’on a trouvé plus haut

on aura pour la distance perpendiculaire du point au premier plan, et pour la distance perpendiculaire du même point au second plan.

6. Remarque II. — Si l’on imagine qu’aux points il y ait des corps de masses données, et qui soient unis ensemble par des verges inflexibles ou autrement, de manière qu’ils soient obligés de garder toujours entre eux les mêmes distances et qu’on suppose de plus que ces corps puissent tourner dans tous les sens autour du centre des coordonnées, sans néanmoins que leurs distances à ce centre varient, il est clair qu’on aura le cas du Lemme et de ses Corollaires, et qu’on pourra appliquer au mouvement de ce système les formules que nous y avons données. Ainsi l’on pourra ramener le mouvement du corps dont les coordonnées sont aux mouvements des corps et dont les coordonnées sont

En général, si l’on a un système d’autant de corps qu’on voudra, disposés de manière qu’ils soient forcés de conserver toujours les mêmes distances tant entre eux qu’à l’égard d’un point donné, les formules ci-dessus serviront à rapporter le mouvement de chacun de ces corps aux mouvements de deux quelconques d’entre eux pris à volonté ; car prenant et pour les coordonnées rectangles de ces deux corps, que je désignerai par et et nommant, en général, les coordonnées d’un autre corps quelconque du système, on pourra exprimer tant les variables que leurs différentielles par les seules variables et lesquelles se rapportent uniquement aux corps et Et l’on remarquera que les constantes et par conséquent aussi et seront les mêmes pour tous les corps puisqu’elles ne dépendent que de la position des corps et mais que les constantes et par conséquent aussi seront différentes pour chaque corps puisqu’elles dépendent de sa situation à l’égard des corps et

Au reste, sidans les formules du Corollaire III nous avons supposé les quantités constantes, ce n’a été que pour plus de simplicité et parce que cette supposition était suffisante pour notre objet ; car d’ailleurs, si l’on voulait regarder ces quantités comme variables, il n’y aurait qu’à employer, au lieu des équations

celles-ci

et ensuite avoir égard à la variabilité des coefficients

dans la différentiation des valeurs de on trouverait ainsi des formules analogues à celles du Corollaire cité, et qui pourraient être utiles dans quelques occasions.

7. Remarque III. — Si dans les équations du no 2 on suppose

et

on aura

de là on aura (3)

savoir

et l’on trouvera de même, par la simple analogie,

Et si l’on multiplie ces équations respectivementpar et qu’on les ajoute ensemble trois à trois, on aura, en vertu du Lemme, ces nouvelles formules

qui pourront aussi nous être utiles dans la suite.

Au reste, si l’on voulait dans cette hypothèse résoudre les six équations du no 2, c’est-à-dire déterminer six des neuf quantités par les trois autres, on y parviendrait aisément à l’aide des formules précédentes ; car supposons que les trois données soient on aura d’abord par la première équation du no 2

ensuite la première des équations trouvées en dernier lieu donnera

Connaissant ainsi les cinq quantités on trouvera les quatre autres à l’aide des équations

lesquelles donnent

Problème.

8. Déterminer le mouvement d’un corps de figure quelconque qui n’est animé par aucune force accélératrice, et qui est seulement retenu par un de ses points, autour duquel il peut d’ailleurs tourner dans tous les sens.

Solution. — Je considère le corps proposé comme l’assemblage d’une intinité de corpuscules ou points massifs unis ensemble de manière qu’ils gardent toujours nécessairement entre eux les mêmes distances ; et pour connaitre le mouvement de ce système, j’imagine trois axes fixes et perpendiculaires entre eux, qui passent par le point du corps qu’on suppose demeurer immobile, et auxquels je rapporte la position de chaque particule du corps par le moyen de trois coordonnées parallèles à ces mêmes axes. J’aurai par les principes de mécanique, à cause que le système est supposé libre autour d’un point fixe, et qu’il n’est d’ailleurs sollicité par aucune force étrangère, j’aurai, dis-je, sur-le-champ ces trois équations

(1)
(2)
(3)

auxquelles on peut joindre cette quatrième

(4)

Dans ces équations les quantités sont des constantes arbitraires dépendantes de l’état initial du corps, est l’élément du temps, et est le signe d’intégration relativement aux différentes particules du corps.

Les trois premières équations résultent de ce principe connu que : dans tout système de corps qui agissent les uns sur les autres d’une manière quelconque, et qui sont de plus, si l’on veut, animés par des forces tendantes à un point fixe, ou assujettis de quelque manière que ce soit à se mouvoir autour d’un tel point, la somme des différentes aires ou secteurs que chaque corps décrit relativement à un plan fixe quelconque, multipliés chacun par la masse du corps qui le décrit, est toujours proportionnelle au temps ; de sorte que la somme des produits des aires élémentaires par leurs masses respectives, divisée par l’élément du temps, est nécessairement une quantité constante. Ce principe est facile à démontrer dans tous les cas, mais surtout dans le cas présent, où il suffit de considérer que la somme des moments de toutes les forces

par rapport à un axe quelconque doit être nulle, ce qui donne immédiatement les trois équations

dont les trois premières équations ci-dessus ne sont que les intégrale.

À l’égard de la quatrième équation, elle renferme le principe très-connu de la conservation des forces vives ; on pourrait la déduire, dans le cas présent, des trois précédentes à l’aide des différentiations et d’une nouvelle intégration, comme nous le ferons voir plus bas ; mais puisqu’elle présente une intégrale toute trouvée, nous nous en servirons pour simplifier notre solution. Toute la difficulté se réduit donc à déterminer le mouvement du corps par le moyen de ces équations, et c’est dans cette détermination que consiste uniquement le mérite de ma solution, si elle en a quelqu’un.

Il est clair, par la dernière Remarque, que les formules trouvées dans les nos 2 et suivants s’appliquent naturellement au Problème dont il s’agit. Pour cela il n’y a qu’à prendre dans l’intérieur du corps deux points quelconques et pour lesquels les coordonnées soient et comme la position de ces points est à volonté, il sera bon de les prendre tels que leurs distances au point fixe, qui est en même temps le centre des coordonnées, soient toutes deux égales à et que de plus les rayons menés de ce centre aux mêmes points fassent entre eux un angle droit ; on aura de cette manière (5)

donc

De plus, si l’on nomme la distance de la particule au plan qui passe par le point fixe et par les deux points donnés et la distance de cette même particule à un plan passant par le point fixe et perpendiculaire au rayon du point et enfin la distance de la même particule à un plan passant aussi par le point fixe, mais perpendiculaire au rayon du point on aura (5)

Et il est clair que les trois quantités ne seront autre chose que les coordonnées rectangles qui donnent la position de chaque particule par rapport à trois axes perpendiculaires entre eux, passant par le point fixe du corps et demeurant toujours fixes au dedans du corps ; en sorte que ces quantités ne seront variables que pour les différentes particules, mais seront toujours constantes pour une même particule pendant le mouvement du corps.

Faisant donc ces substitutions dans les formules des nos 3 et 4, on aura d’abord

ensuite, à cause de et

et enfin

Donc, si l’on multiplie ces trois dernières équations par qu’ensuite on les intègre par rapport à la caractéristique en ne faisant varier que les quantités et regardant les autres comme constantes, et qu’on fasse, pour abréger,

on aura, en vertu des équations (1), (2), (3) ci-dessus, ces trois-ci

(5)
(6)
(7)

Ces équations étant élevées chacune au carré, et ensuite ajoutées ensemble, donnent d’abord (en vertu des formules du no 2, et à cause de ) celle-ci, où les quantités ne se trouvent plus,

(8)

De plus, si l’on ajoute ensemble les carrés des valeurs de trouvées ci-dessus, on aura, en ayant égard aux mêmes formules du no 2,

donc multipliant par intégrant par rapport à la caractéristique et faisant les substitutions ci-dessus, on aura, en vertu de l’équation (4), celle-ci

(9)

Ainsi voilà déjà deux équations (8) et (9) qui ne renferment que les

trois inconnues et par lesquelles on pourra par conséquent déterminer deux quelconques d’entre elles par la troisième.

Faisons pour plus de simplicité

(10)

et les deux équations dont nous venons de parler pourront se mettre sous cette forme assez simple

(11)

Tirant donc des trois équations ci-dessus les valeurs de en et les substituant dans la seconde des deux équations (11), on aura deux équations en à l’aide desquelles on pourra déterminer, par exemple, les valeurs de et en de sorte qu’il ne restera plus qu’à connaître

Pour cela je reprends les trois équations (5), (6), (7), lesquelles par l’introduction des quantités se réduisent à cette forme

(12)

et ajoutant ensemble ces équations après les avoir multipliées, la première par la seconde par et la troisième par j’ai par les formules du no 2

J’aurai de même en multipliant ces équations respectivement par et les ajoutant ensuite ensemble, en ayant égard aux formules du no 4,

Mais l’équation précédente donne par la différentiation

donc on aura

et par conséquent

(13)

Ainsi, comme et sont donnés en et que sont déjà connus en cette équation ne contiendra que les deux variables et déjà séparées, et donnera par conséquent par l’intégration la valeur de en et vice versâ celle de en ainsi l’on connaîtra les quantités par des fonctions du temps

Pour pouvoir connaître maintenant le mouvement de chaque point du corps, nommons, comme ci-dessus, les trois coordonnées rectangles qui déterminent la position instantanée d’un point quelconque donné du corps, dans l’espace, et soient de même les coordonnées rectangles qui déterminent la position du même point dans le corps même ; on aura donc comme ci-devant

d’où l’on tire d’abord l’équation

(14)

Ensuite, faisant, pour abréger,

on aura aussi

Ces trois équations, ainsi que les trois précédentes, étant multipliées respectivement par les équations (12), et les produits étant ajoutés ensemble, il viendra, en vertu des formules du no 2, ces deux équations-ci

(15)
(16)

lesquelles, étant combinées avec l’équation (14) ci-dessus, serviront à déterminer les trois inconnues .

Je remarque d’abord que si les deux constantes arbitraires et étaient nulles, la détermination dont il s’agit n’aurait aucune difficulté ; car faisant, pour abréger,

( et étant des fonctions connues de et une constante qui exprime la distance du point donné du corps au centre autour duquel il se meut), l’équation (15) donnera d’abord

et l’équation (14) donnera

Ensuite l’équation (16) donnera

laquelle étant divisée par la précédente, on aura cette équation intégrable

Soit donc, pour abréger,

et l’on aura

d’où, à cause de

on tire

Mais, pour ne pas borner notre solution au cas de et je vais résoudre les trois équations (14), (15) et (16) dans toute leur généralité.

Je fais pour cela

et

d’où

en sorte qu’on ait

et je prends six autres quantités entre lesquelles et les trois quantités j’établis les mêmes rapports qu’entre les quantités du no 2, en y supposant

j’aurai donc aussi entre ces mêmes quantités des relations analogues à celles qu’on a trouvées dans le no 7 entre en sorte que prenant à volonté les trois quantités on pourra par leur moyen déterminer les six autres.

Cela posé, je suppose encore

j’aurai d’abord, en ajoutant ensemble les carrés de ces trois équations,

à cause des relations établies entre les quantités (2) ; ainsi l’on aura par l’équation (14)

Ensuite l’équation (15) deviendra

Or si l’on cherche la valeur de on la trouvera égale à

mais, par les formules du no 7, on aura

donc l’équation (16) deviendra

Ainsi l’on a maintenant entre et les mêmes équations qu’on a eues ci-dessus entre dans le cas de et avec cette seule différence qu’il y a ici à la place de On aura donc sur-le-champ

Ayant les valeurs de on tirera des formules précédentes celles de et l’on aura (7) par les relations qui doivent avoir lieu entre

les coefficients

Il faut remarquer que la quantité demeure indéterminée ; de sorte qu’on pourra lui donner telle valeur qu’on voudra, sans déroger en rien à la généralité de la solution.

9. Remarque I. — Si l’on tire des trois équations (10) du numéro précédent les valeurs de on aura, en faisant, pour abréger,

ces expressions

qui, étant substituées dans la seconde des équations (11), la réduiront à cette forme

et cette équation, étant combinée avec cette autre

servira, comme nous l’avons déjà dit, à déterminer et en ou, en général, à déterminer et par une même indéterminée quelconque.

En effet, si l’on fait

et qu’on divise les deux équations l’une par l’autre, la quantité s’en ira, et l’on aura une équation du second degré entre et par laquelle on pourra déterminer en ensuite on aura par la dernière équation

et de là on connaîtra les trois quantités en dont les valeurs étant substituées dans le premier membre de l’équation (13), on aura une équation séparée entre et par laquelle on déterminera en et vice versâ.

Mais, comme de cette manière on tombe dans une équation un peu compliquée à cause des doubles signes radicaux que les expressions de doivent renfermer, il est bon de voir comment on peut parvenir à des résultats plus simples, à l’aide de quelques substitutions convenables d’autant plus que la méthode que nous allons exposer pourra aussi être utile dans d’autres occasions.

Il est visible que, si l’on prend de nouveau neuf quantités

qui soient assujetties aux mêmes conditions que les quantités

du no 2, en supposant

on aura

et comme parmi ces neuf quantités il en reste trois d’indéterminées, à cause qu’il n’y a que six conditions à remplir (numéro cité), on pourra encore, en introduisant trois nouvelles indéterminées faire en

sorte qu’on ait aussi

car pour cela il n’y aura qu’à supposer

Pour pouvoir maintenant résoudre ces équations, je remarque que les neuf quantités auront nécessairement entre elles des relations analogues à celles qu’on a trouvées dans le no 7 entre d’où il s’ensuit que, si l’on fait, pour abréger,

(il ne faut pas confondre ces quantités ovec celles que nous avons dénotées ailleurs par les mêmes lettres), on trouvera les combinaisons suivantes

Des deux premières de ces équations on tire

et ces valeurs étant substituées dans la troisième on aura, après avoir divisé par et fait disparaître les fractions, cette équation en

Si l’on traite de même les équations suivantes, on en tire cette autre équation en

Et les trois dernières équations donneront pareillement cette équation en

D’où il est facile de conclure que les trois quantités seront les racines de cette équation du troisième degré

savoir

Or cette équation, étant d’un degré impair, aura nécessairement une racine réelle ; mais je vais démontrer qu’elle les aura par cela même toutes trois réelles.

Pour cet effet je remarque que si l’on prend la racine réelle de l’équation dont il s’agit pour les deux quantités et seront nécessairement réelles, ce qui est évident par les valeurs ci-dessus de ces quantités ; et je vais prouver qu’alors les quantités et ainsi que et seront réelles aussi ; après quoi notre proposition sera démontrée, parce qu’on a, par Ia quatrième des équations ci-dessus,

et par la septième

Qu’on mültiplie, la première des mêmes équations par la quatrième, la deuxième par la cinquième, la troisième par la sixième, et qu’on ajoute ces trois produits ensemble, on aura (à cause de par les formules du no 7) cette équation

c’est-à-dire en divisant par

On trouvera de même, en ajoutant ensemble les produits de la première par la septième, de la deuxième par la huitième et de la troisième par la neuvième, et ayant attention que on trouvera, dis-je, celle-ci

mais on aura par les formules du no 7 appliquées au cas présent

donc si l’on substitue ces valeurs dans l’équation précédente, et qu’on la

divise par elle deviendra

On a donc ainsi deux équations linéaires entre les deux inconnues de sorte que les valeurs qu’on trouvera pour ces inconnues seront nécessairement réelles.

Enfin on aura

par conséquent les valeurs de et de seront aussi réelles.

Il s’ensuit de la démonstration précédente que :

Toute équation du troisième degré réductible à la forme

a nécessairement trois racines réelles, quelles que soient les quantités pourvu seulement qu’elles soient réelles.

Comme ce Théorème est assez remarquable, il serait utile d’en chercher une démonstration directe ; mais ce n’est pas ici le lieu de nous occuper de cet objet.

Quant aux valeurs de comme on doit avoir par les formules du no 7

il n’y aura qu’à substituer dans cette équation les valeurs de et de

trouvées ci-dessus, et l’on en tirera d’abord celle de qui sera

ensuite on aura

On trouvera de même les valeurs de et de et pour cela il n’y aura qu’à changer dans les expressions précédentes en pour celles de et en pour celles de

Ainsi les douze quantités indéterminées seront connues moyennant la résolution d’une seule équation du troisième degré, et elles seront nécessairement toutes réelles.

Maintenant, si l’on fait, pour abréger,

nos deux équations à résoudre seront réduites à cette forme

d’où l’on tire facilement

Or les trois équations ci-dessus étant ajoutées ensemble, après avoir été multipliées respectivement par par et par donnent sur-le-champ, en vertu des formules du no 2 ( étant ici supposées égales à et supposées égales à zéro, comme on l’a

dit plus haut),

De plus, si dans les expressions de trouvées au commencement de cette Remarque, on substitue pour

leurs valeurs

et qu’on y introduise les quantités on trouvera

De là on aura, après les substitutions,

c’est-à-dire par les formules du no 7

de sorte que l’équation (13) de la solution ci-dessus deviendra

Substituons au lieu de et leurs valeurs tirées des équations

lesquelles donnent

et l’équation dont il s’agit deviendra après les réductions

c’est-à-dire en mettant pour et leurs valeurs en trouvées plus haut,

équation dont le premier membre n’est intégrable, en général, que par la rectification des sections coniques.

10. Remarque II. — Nous avons trouvé dans la solution du Problème précédent que la valeur de

c’est-à-dire le carré du petit espace qu’une particule quelconque du corps parcourt dans l’instant est exprimée par la formule

étant les coordonnées rectangles qui déterminent la position de cette particule dans l’intérieur du corps ; donc toute particule ou point du corps dont les coordonnées seront telles, qu’on ait à la fois

sera en repos pendant un instant ; or ces trois équations donnent

d’où il est aisé de conclure qu’il y aura nécessairement dans le corps, non pas un seul point immobile à chaque instant, mais une suite de points formant une ligne droite, qui sera par conséquent l’axe de rotation instantanée du corps ; et il est clair que cet axe fera avec les trois

axes des coordonnées des angle tels, que

ou bien, en mettant pour leurs valeurs en trouvée dans la solution ci-dessus,

Maintenant il est clair que, comme les quantités et sont, en général, des fonctions du temps la position de l’axe de rotation dont il s’agit variera continuellement, à moins que ces trois quantités ne gardent entre elles des rapports constants ; or comme on a (par la Remarque précédente)

il est clair que cette quantité ne peut être constante à moins que la quantité ne soit elle-même constante ; et dans ce cas les deux autres quantités et seront aussi nécessairement constantes. Voyons donc les conditions qui peuvent rendre égale à une constante.

Si l’on considère l’équation entre et trouvée à la fin de la Remarque précédente, on verra aisément que la quantité sera constante, c’est-à-dire que la différentielle sera nulle si le dénominateur est nul en même temps ; mais pour que le temps puisse être quelconque, il faudra de plus, par les règles connues, que la différentielle de la quantité qui est sous le signe radical dans le dénominateur soit nulle aussi : c’est pourqoi on aura ces deux équations de condition

La première donne : ou

auquel cas la seconde donnera

ou bien

auquel cas la seconde donnera

d’où l’on voit qu’il faut nécessairement que de ces trois quantités

deux soient nulles à la fois ; ce qui donne trois combinaisons, et par conséquent trois cas différents où l’axe de rotation instantanée pourra être fixe dans le corps ; et comme on a

il est clair que ces trois cas seront ceux où l’on aura en même temps et ou et ou et dans le premier cas on aura par les formules ci-dessus

dans le second on aura

et enfin dans le troisième

On voit donc qu’il y a dans chaque corps trois lignes droites qui peuvent être des axes de rotation fixes, et qu’il n’y en a, généralement parlant, que trois ; de plus, si l’on nomme les angles que ces trois axes font entre eux, il est facile de voir, d’après ce qu’on a dit dans le no 5, qu’on aura, en général,

de sorte que (7) à cause de

on aura

et par conséquent

d’où il s’ensuit que les trois axes dont il s’agit seront nécessairement perpendiculaires entre eux.

Enfin, comme

exprime le carré de la vitesse de chaque particule du corps, et que cette quantité est représentée, en général, par la formule

si l’on y substitue les valeurs de en (Remarque précédente) on trouvera que la vitesse d’une particule quelconque, pour laquelle les coordonnéessont sera, dans le cas de et

dans le cas de et

et dans le cas de et

Ainsi ces vitesses seront constantes ; par conséquent he mouvement de rotâtion du corps autour de chacun des trois axes dont il s’agit sera uniforme.

11. Remarque III. — Nous avons dit dans la Solution ci-dessus que l’équation (4), qui renferme le principe de la conservation des forces vives, pouvait se déduire des équations (1), (2), (3). Pour le démontrer, nous considérerons ces trois équations sous la forme (12) à laquelle nous les avons réduites dans le no 8, et prenant les différentielles pour en faire disparaître les constantes nous aurons

mais par les formules du no 4 on a, en faisant

donc substituant ces valeurs, nos trois équations deviendront

lesquelles étant ajoutées ensemble après avoir été multipliées respectivement par par et par donneront, en vertu des formules du no 2, ces trois-ci

Et employant les transformations de la Remarque première, ces trois équations deviendront

lesquelles étant encore ajoutées ensemble après avoir été multipliées respectivement par par et par donneront enfin ces trois-ci

qui serviront à déterminer les trois variables

Or il est visible qu’en multipliant la première par la seconde par et la troisième par et les ajoutant ensemble, on aura une équation intégrale dont l’intégrale sera

et multipliant de même la première par la seconde par et la troisième par on aura, après les avoir ajoutées ensemble, une nouvelle équation intégrable, et dont l’intégrale sera

Ces deux équations sont les mêmes qu’on a trouvées dans la Remarque 1, et les mêmes que les équations (11) de la Solution précédente, dont la seconde renferme le principe de la conservation des forces vives.

12. Remarque IV. — Si l’on supposait que chaque particule du corps fût sollicitée par des forces quelconques, il n’y aurait qu’à réduire ces forces à trois, dirigées suivant les coordonnées et, les représentant par les quantités on aurait par les principes connus de la Mécanique, au lieu des équations (1), (2), (3) du no 8, ces trois-ci

Or, comme

il est clair qu’on aura des équations de la même forme que celles dont nous venons de parler, avec cette différence que les quantités ne seront plus constantes, mais auroront ces valeurs

De plus, le principe de la conservation des forces vives donnera aussi une équation semblable à l’équation (4) avec cette différence que la quantité devra être telle, que l’on ait

Ainsi, quand les quantités seront données en on pourra employer les substitutions et les transformations dont nous avons fait usage dans le Problème précédent.

En général, il est clair qu’il n’entrera dans les équations du Problème que les variables et mais les six dernières sont des fonctions données des six premières (2 et 4), et l’on a de plus entre celles-ci trois équations (2) par lesquelles on peut en déterminer trois par les trois autres. En effet, l’équation

donne d’abord

ensuite l’équation

donne

dont le carré, étant retranché de l’équation

multipliée par donne celle-ci

ainsi, combinant ces deux équations

on trouvera et en sorte que les trois quantités et seront données par ces trois autres et Moyennant quoi il n’y aura, à proprement parler, que trois variables ; et la difficulté se réduira à déterminer ces variables par le temps

13. Remarque V. — Puisqu’on a, en général, dans la Solution précédente

il est clair qu’en faisant

on aura

que de même on aura

en faisant

qu’enfin on aura

en faisant

donc, si l’on fait ces suppositions dans les valeurs de et (ce qui donnera

dans le premier cas,

dans le second cas,

dans le troisième cas), on aura les valeurs des quantités, lesquelles seront les mêmes pour tous les points du corps ; et ces quantités étant connues en on aura par les expressions ci-dessus les coordonnées pour chaque point du corps dont la position dans le corps même dépendra des coordonnées

14. Remarque VI. — Si le corps qu’on a supposé jusqu’ici fixement arrêté par un de ses points, était entièrement libre, alors il n’y aurait qu’à prendre, à la place de ce point supposé fixe, le centre de gravité de tout le corps, car on sait que les mouvements de rotation se font autour de ce centre comme s’il était fixe ; et à l’égard du mouvement de ce centre, on le déterminera par la considération qu’il doit être le même que si toutes les forces qui agissent sur les différentes parties du corps y étaient appliquées : tout cela est trop connu pour que nous devions nous arrêter à en donner la démonstration.


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