Mémoires extraits des recueils de l’Académie royale de Berlin/Sur une nouvelle propriété du centre de gravité

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SUR
UNE NOUVELLE PROPRIÉTÉ
DU
CENTRE DE GRAVITÉ


(Nouveaux Mémoires de l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres
de Berlin
, année 1783.)


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On sait que le centre de gravité d’un corps, ou d’un système ou assemblage quelconque de corps, est un point autour duquel le système est toujours en équilibre en vertu de la gravité, quelle que soit sa situation autour de ce point ; et suivant les principes de Statique il faut que la somme des moments de tous les poids élémentaires du système par rapport à un plan quelconque passant par le point dont il s’agit, c’est-à-dire la somme des produits de ces poids par leurs distances au plan, soit nulle. Or on démontre facilement par la Géométrie que, si cette propriété a lieu par rapport à trois plans perpendiculaires entre eux, elle aura lieu aussi par rapport à un autre plan quelconque ; ainsi la recherche du centre de gravité se réduit uniquement à trouver un point tel que la somme des moments par rapport à trois plans perpendiculaires et passant par ce plan soit nulle. C’est aussi de cette manière qu’on détermine le centre de gravité ; mais quoique la considération des plans par rapport auxquels la somme des moments doit être nulle facilite extrêmement cette détermination, on n’en doit pas moins la regarder comme étrangère en quelque façon à la nature du centre de gravité ; et puisque ce centre est un point unique, dont la position dépend simplement de celle que les différents poids ont entre eux, c’est-à-dire de leurs distances mutuelles, il serait naturel de chercher à le déterminer aussi par le moyen de ces distances. C’est l’objet de la nouvelle propriété que nous allons exposer.

Théorème I.

Soit un système ou assemblage quelconque de plusieurs corps ou masses dont chacune soit considérée comme un point qu’on multiplie toutes ces masses deux à deux, et ensuite chaque produit de deux masses par le carré de la distance entre elles ; qu’enfin on divise la somme de ces différents produits par la somme de toutes les masses ; on aura une quantité égale à la somme des produits de chaque masse par le carré de sa distance au centre de gravité du système.

Démonstration.

Soient une quelconque des masses du système, et les trois coordonnées rectangles qui déterminent la position de cette masse dans l’espace, ces coordonnées ayant leur origine commune dans le centre de gravité de tout le système. Soient de même les autres masses du système ; les coordonnées rectangles de la masse celles de la masse et ainsi des autres.

Comme sont les distances des masses à un plan passant par le centre de gravité, que de même et sont les distances des mêmes masses à deux autres plans perpendiculaires à celui-là et passant de même par le centre de gravité, on aura par la propriété connue de ce centre les trois équations

On aura donc

savoir, en développant les termes

qu’on ajoute de part et d’autre les termes

on aura

On trouvera de même, d’après l’équation

celle-ci

Et pareillement l’équation

donnera

Donc, ajoutant ces trois équations ensemble, et faisant, pour abréger,

on aura

Or il est visible que sont les distances des masses au centre de gravité, et sont les distances entre les masses et et et Donc, en divisant l’équation précédente par on aura le Théorème proposé.

Corollaire.

Puisque

on aura

quelle que soit la quantité Donc aussi

et, mettant pour

sa valeur

trouvée dans le numéro précédent, on aura l’équation

On trouvera de même, en prenant une autre quantité quelconque l’équation

Et pareillement on aura

De sorte qu’en ajoutant ensemble ces trois équations et faisant, pour abréger,

on aura

Or il est clair que les quantités peuvent représenter les coordonnées rectangles d’un point quelconque pris à volonté ; alors seront évidemment les distances des masses à ce point, et sera la distance de ce point au centre de gravité des corps Donc l’équation précédente donnera ce nouveau Théorème.

Théorème II.

La somme des produits de chaque masse par le carré de sa distance à un point quelconque donné est égale au produit de la somme des masses par le carré de la distance de ce point au centre de gravité de toutes ces masses, plus à la somme des produits des masses multipliées deux à deux entre elles et par le carré de leurs distances respectives, cette dernière somme étant divisée par la somme même des masses.

Corollaire.

De là résulte une nouvelle manière de trouver le centre de gravité d’un système ou assemblage quelconque de tant de corps qu’on voudra, considérés comme des points. On cherchera la somme des produits de la masse de chaque corps par le carré de sa distance à un point donné quelconque, et l’on divisera cette somme par celle de toutes les masses ; on cherchera ensuite la somme des produits des mêmes masses multipliées ensemble deux à deux, et multipliées en même temps par le carré de la distance entre les deux masses, et l’on divisera cette somme par le carré de la somme des masses ; on retranchera cette seconde quantité de la première, et l’on aura la valeur du carré de la distance du centre de gravité du système, au point donné ; de sorte qu’en tirant la racine carrée de la différence des deux quantités dont il s’agit, on aura la distance du centre cherché au point donné.

Ainsi l’on pourra trouver la distance du centre de gravité du système à trois points quelconques donnés, et par ces trois distances on aura évidemment la position du même centre. Si les corps étaient tous dans un même plan, il est visible qu’il suffirait de considérer deux points ; et il n’en faudrait qu’un seul, si tous les corps étaient sur une même ligne droite.

Au reste, comme la position de ces points est arbitraire, on peut les prendre dans quelques-uns des corps du système ; alors il suffira de connaître les masses des corps et leurs distances mutuelles, pour avoir immédiatement la distance du centre de gravité à chacun de ces corps.

Cette manière de déterminer le centre de gravité par les seules distances des corps entre eux est, je crois, nouvelle, et peut être utile dans quelques occasions.


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