Madame sous-chef/6

La bibliothèque libre.
Librairie Plon (p. 144-165).

VI

Geneviève et Denis eurent cette année-là, de magnifiques vacances dans le pays des Rousselière.

Denis les désirait depuis longtemps. Geneviève établit un budget des dépenses de l’année et conclut qu’ayant vécu si sagement, avec tant d’économie l’année entière, ils pouvaient s’offrir la réalisation de ce beau rêve.

Denis ne devait jamais oublier désormais cette soirée, où sa femme lui avait mis sous les yeux le bilan des dépenses éventuelles du voyage.

— Chérie, lui avait-il demandé, pourquoi inscris-tu trois personnes puisque Mme Poulut réclame son congé pour la Normandie ? Bébé ne compte pas !…

— Écoute, Denis, fit Geneviève, qui parlait à son jeune mari un peu comme à un fils, j’ai pensé que ce serait pour ta mère une joie folle de nous accompagner et de retrouver sa Provence. C’eût été cruel pour elle de nous voir partir, vers le pays du félibrige et de demeurer si seule à Paris. Nous l’emmènerons. Tu le lui annonceras toi-même. Tu lui diras : « Nous vous enlevons, ma chère amie. Il y a trop longtemps que vous n’avez vu votre Soleil. » Tu ajouteras même, s’il te plaît, et cela me ferait plaisir : « C’est ma femme qui le désire. » De fait, cher Denis, je souhaiterais que ce supplément de frais fût imputé à mes appointements. Il est clair que, sans ma situation, nous n’aurions pas pu nous permettre cette petite folie d’emmener une personne de plus. Voyons, chéri, avoue-le donc enfin ! Ce n’est pas en vain que dans un ménage la femme travaille…

Le regard des beaux yeux humides était fixé sur lui avec une tendresse irrésistible. Le cœur de Denis bondissait dans sa poitrine. Est-ce que sa femme n’avait pas raison ? N’était-ce pas en lui un reliquat de préjugés anciens qui condamnait cette carrière, grâce à quoi tous les deux pouvaient vivre dans l’aisance, alors que leur vie s’arrangeait en somme très bien ?

— Tu es la Sagesse même ! lui dit-il, sans un geste, sans une caresse, lui rendant seulement du fond de son âme le regard si profond qu’elle lui donnait. Je t’admire, Geneviève. Je t’admire dans tout ce que tu fais !

Un train de nuit les emporta tous les quatre dans un honnête compartiment de troisième classe d’où la présence d’un petit enfant avait écarté les possibles compagnons de route. Sous la veilleuse, leurs visages éclairés d’une teinte lunaire, laissaient encore transparaître dans le sommeil, une joie intérieure. Entre les deux femmes, le bébé robuste, aux jambes potelées, aux bras ronds, affectait une sorte d’insolence heureuse. Il avait quinze mois, maintenant, marchait seul avec une certaine assurance, et lorsque un cahot du train le réveillait, dans la traversée du Beaujolais, appelait d’une voix impérieuse sa nourrice : « Poulut ! », sur laquelle il se sentait de l’autorité. La mère de Denis ouvrait alors les yeux la première, mais par discrétion, par sagacité, par prudence, peut-être par politique, attendait que Geneviève lui répondît. Il pleurait alors dans un accès de colère, dressé sur son séant, déclarant :

— Je veux Poulut !

Car il avait classé sa mère, ainsi que Rousselière, dans le clan des personnes préposées à ses distractions et menus plaisirs. Mais Poulut demeurait la Nécessaire, l’Indispensable, celle vers qui toute sa petite personne tendait en cas de besoin. Alors on exhumait d’un sac bourré, faisant office de marmite norvégienne, un biberon bien chaud, qui calmait le petit vorace.

Avec le jour, le soleil méditerranéen éblouit Geneviève, qui se frottait les paupières. Gonflé d’orgueil en retrouvant sa Provence dans ce rayon matinal, Denis présenta :

— Voici le Seigneur des lieux qui vient te saluer, chérie !

Et la veuve du félibre affectait de dormir encore, pour leur laisser en ce moment un peu émouvant pour son enfant, un semblant de tête-à-tête.

Ils logèrent dans une auberge, perchée sur une montagne bleue, dans la vallée du Var. À leurs pieds, le torrent qu’est ce fleuve, se lovait entre des îlots de galets gris comme l’eussent fait des chapelets de serpents argentés. Les lointains de la vallée apparaissaient dans un azur cendré. De là, on pouvait excursionner partout, grâce à un escadron d’autocars. Denis se montrait un peu chagriné que Geneviève préférât la côte, Cannes, Antibes, Nice, dont l’ardeur, la vie, le bleu indigo si intense de la mer subjuguaient cette Celte, fille de la pluie. Où étaient la funèbre pointe du Raz, la baie des Trépassés, les cloches de la ville d’Ys engloutie ?

Geneviève se repaissait de cette atmosphère de soie. Denis, qui aurait voulu lui faire connaître la pierraille de tant de petits villages mystérieux, accrochés à des pics inaccessibles, souvenirs des Sarrasins, essayait en vain de l’arracher à la côte en fête. « Tu comprends, lui disait-elle, ce qui m’intéresse dans ta Provence, c’est moins ce côté aride et mélancolique qui la rapproche de ma Bretagne, que cette joie colossale du littoral qui sent déjà un peu l’Afrique et forme pour moi un spectacle éblouissant. Tu es ici un sentimental comme je le suis en Bretagne. Moi, tout simplement la touriste éperdue qui découvre la joie de la lumière ! »

Pendant leurs excursions Mme Rousselière gardait son petit-fils, le promenant dans les chemins pierreux, dans la poussière où les petits pieds enfonçaient jusqu’à la cheville. Mais elle eut aussi sa part. Le Félibrige ayant connu sa présence, les invita tous trois à Grasse pour la fêter dans une réunion et un banquet. Son léger sourire persifleur qui semblait prendre de haut les événements de la vie ne trompa point ses enfants : elle était ravie. Au dessert, on récita des vers du poète Rousselière. Denis, chez qui la langue provençale remontait des profondeurs obscures de la mémoire, improvisa un petit quatrain en l’honneur de Mistral dans lequel il disait au grand homme de la Provence, le père génial de Mireille, qu’ayant délaissé les Filles du Soleil pour celles de la Pluie, il lui en amenait une aujourd’hui pour le fêter au nom des brumes bretonnes. Il eut un succès bruyant comme on sait en faire dans ce « coin » — là. Geneviève, aussitôt considérée par ces lettrés d’imagination charmante comme une Muse venue en effet du pays d’Armor pour rendre hommage au grand Barde provençal, fut acclamée dans une langue qu’elle ne comprenait pas ce dont elle ne fut que plus émue.

Mme Rousselière se voyait payée aujourd’hui de quinze années de renoncement, d’obscurité, de sacrifices faits à la carrière de son fils. De sa bru, elle se montrait assez fière. « Cette Geneviève est vraiment « sortable » se disait-elle à part soi, plaisantant avec elle-même, en pince-sans-rire, comme avec ses partenaires. Je suis jalouse d’elle. Cela est élémentaire, mais ne m’empêche pas de voir juste. Elle est orgueilleuse de sa valeur, cela aussi crève les yeux. Elle n’en fait pas moins une chic créature généreuse, délicate, sensible. Je lui dois ce beau voyage et d’avoir revu mon pays, ce à quoi je n’osais plus m’attendre avec mes rentes maigriottes et qui vont dépérissant. Elle me l’a offert sur ses propres apports dans la communauté, sur ses propres appointements. Peut-être a-t-elle vu là une élégante façon de se faire pardonner un métier que nous aurions souhaité qu’elle abandonnât pour appartenir à son foyer. Mais il fallait encore y penser. Toutes les belles-filles n’auraient pas eu une telle idée qui a quelque chose de charmant. Geneviève a compris ce qui m’apporterait le plus de bonheur. C’est de quoi je lui sais gré. C’est quelque chose comme la clémence d’Auguste dans l’antiquité. À ce banquet des Félibres, elle a fait bonne figure de Parisienne intellectuelle, un peu sanglée dans sa raideur bretonne qui opère toujours sur nous, gens du Midi. Enfin mon enfant est heureux. N’ai-je pas de quoi bénir le Seigneur sans restrictions ?… »

Au retour à l’auberge, dans la vallée du Var, le petit Pierre qu’on avait confié aux soins de la jeune hôtesse, donna pour la première fois les signes d’une sensibilité qui parut à tout le monde prématurée. Lui qui était demeuré taciturne depuis le matin, sans un cri, sans une larme, mais aussi sans vouloir goûter aux bouillies préparées, éclata en pleurs en voyant arriver sa mère à laquelle il tendait ses petits bras, étouffant de sanglots, suffoquant, plein d’un reproche affreux. Et il y avait sous ses cils noirs des prunelles claires qui demandaient nettement pourquoi on l’avait ainsi abandonné. Geneviève fut bouleversée, moins d’être témoin d’une telle douleur chez son petit bébé que de découvrir à quel point de la vie secrète il était déjà parvenu sans qu’elle s’en rendît compte.

Avec une sorte de sauvagerie maternelle qui la gagnait soudain, elle s’empara de l’enfant et s’enferma avec lui dans sa petite chambre, suspendue au-dessus de l’abîme du Var, comme une aigle couvant son aiglon. Elle le serrait contre sa poitrine, l’appelant à la mode bretonne « mon mignon à moi ! », lui demandant pardon de l’avoir laissé ; surtout de n’avoir pas encore deviné qu’il était une petite chose affective, capable de souffrir. Et comme personne n’était là pour l’entendre, elle lui disait, en couvrant de baisers tout son petit corps robuste :

— Ta maman t’aime, mon trésor ! Ta maman, t’adore !

— Pauvre gosse, disait Denis, le lendemain, ce sera un sentimental.

— Il faudra le raffermir, en faire un homme, dit Geneviève qui s’était reprise.

Quelques jours encore et ce furent les derniers adieux aux îles de Lérins, à l’Esterel. Puis le réembarquement pour Paris.

« Poulut », la veuve méthodique et consciencieuse qui soignait dévotement l’enfant des Rousselière, fut retrouvée avec joie par ce bébé à la petite âme déjà si fortement esquissée. Elle avait un visage un peu compliqué par l’âge de quelques verrues, rides profondes, touffes herbeuses au menton ; autant de menus éléments de distractions pour le bébé qui l’aimait ainsi. Il la reconnut en trépignant de joie. Ses yeux lançaient des éclairs et sa gorge, de petits cris ; et il prononça par deux fois : « Poulut ! Poulut ! » sur un ton qui tira des larmes à cette femme dévouée.

Encore une journée de réorganisation dans la maison, et, dès le second matin, Geneviève et son mari allaient reprendre ensemble le chemin du Ministère. Mais ils n’avaient pas pénétré dans l’ascenseur pour descendre qu’ils perçurent des cris affreux venant de l’antichambre. Les cris avaient éclaté soudain, à peine la porte refermée. Et l’on entendait le mot de « Maman ! Maman ! » qui revenait sans cesse, haché de sanglots.

— Il faut aller voir ce qui se passe, dit Denis. Geneviève hésita une seconde, puis arrêta son mari de la main.

— Non. Laisse. C’est parce qu’il m’a vue partir. Il ne m’a pas quittée pendant un mois, tu conçois. Il a pris l’habitude de ma présence. Mais il faut qu’il prenne maintenant l’habitude de mon absence.

Et comme Denis avait un sursaut de protestation :

— Ah ! mon chéri, conviens que c’est indispensable.

Ainsi une fois de plus, pour des raisons aussi subtiles, aussi délicates que celles du cœur d’un petit enfant qui n’avait pas dix-huit mois, se trouvait encore posée la question de la carrière administrative de Geneviève. Mais peut-être parce que cette fois la matière du procès était plus tendre, plus émouvante, Denis sentit que le drame se jouait plus profond en lui. Un sursaut se fit, chez cet instinctif, contre l’entêtement de Geneviève à subordonner les moindres considérations sentimentales à celles d’un froid calcul et d’une sèche raison. De tout le voyage en métro, de toute la journée au bureau, même dans le répit du déjeuner chez Mme Rousselière, pas un mot de Denis ne releva celui de Geneviève : « Il faut qu’il s’habitue à mon absence. » Mais il avait reçu au fond de lui-même une petite blessure, et dans son fils aussi, il avait trouvé un allié contre sa femme volontaire. Qu’un si petit bébé souffrît dans son sens affectif à peine formé lui paraissait déjà intolérable. Mais que la mère le sût et l’acceptât, voilà ce qu’il ne pardonnerait jamais à celle-ci. Et, impossible de se soulager par une scène, une de ces violentes colères qui déchargent les hommes quand ils ont accumulé une trop grosse rancune. Il était lié par son acceptation des volontés de Geneviève. La bouche cousue encore plus serré depuis le voyage en Provence qui représentait le prix de sa complaisance. Rien à dire. Rien à faire. Le petit Pierre aurait de violents désespoirs et lui maintes révoltes intimes. Mais, plus de protestations vaines. « Ce sera, se dirait-il, la rançon de mon lâche bonheur. »

Comme toujours, le retour de Geneviève au bureau fut accueilli avec une joie visible. Ses chefs comptaient chaque fois sur elle pour arranger quelque affaire survenue pendant les vacances. Cette fois, c’est la sous-chef qui est malade.

Une crise de rhumatismes depuis quinze jours. Tout va un peu à la dérive. Sous couleur de remettre de l’ordre dans ses papiers on demande à Geneviève quoi, en définitive ? De remplacer l’absente ni plus ni moins. Quel avantage dans son jeu ! Elle se plonge dans le travail avec frénésie. Elle a complètement oublié la scène de son petit enfant. Même au déjeuner chez Mme Rousselière, elle raconte sa matinée avec une juvénilité débordante.

— Vous comprenez, ma mère, je fais des vœux pour que cette pauvre sous-chef se guérisse, car c’était une excellente personne — quoique bien tatillonne. Mais la forme du rhumatisme qui l’a atteinte, qu’elle traîne depuis longtemps, me semble devoir être chronique. Peut-être ne reviendra-t-elle pas au bureau, forcée de prendre sa retraite par anticipation. Dans ces conditions, il me semblerait difficile qu’on nommât une autre personne que moi pour la remplacer.

— Vous êtes une grande ambitieuse, Geneviève ! repartit la belle-mère, avec un sourire oblique en même temps moqueur et affectueux.

— Je ne sais… Je crois que j’en suis une petite, répondit la jeune femme avec modestie. Mais le jeu administratif de la carrière est un sport en effet. On peut y mettre une certaine passion. Et j’avoue que le jour où je siégerai dans ce petit bureau vitré-là, je ne serai pas mécontente de moi.

Après leur journée de travail assez lourd, le mari et la femme rentraient au logis las et comme embrumés. Une étoile luisait cependant au fond de leur brouillard intérieur, c’était le sourire heureux de leur petit Pierre qui accueillerait leur retour tout à l’heure ; bientôt, dans un instant…

Mais ils furent déçus.

— Le pauvre ange s’est endormi dès son jambon, déclara Mme Poulut. Il était tout baigné, tout poudré, tout changé. Mais ayant grogné le jour durant, il paraissait rompu de fatigue. Je l’ai mis au berceau, tel quel.

Geneviève épia le visage de son mari dont elle craignait le muet reproche. Mais Denis détourna les yeux et ne souffla mot. Ensuite tous deux allèrent contempler leur enfant dans son sommeil. Il était joufflu avec de fortes lèvres bien closes cachant ses quatre dents. Son petit nez épaté palpitait régulièrement. Ses paupières s’étaient abaissées plutôt que fermées sur l’ovale si tendre et si délicat des yeux, avec l’ombre des cils.

— Pauvre gosse ! laissa échapper Denis.

Leur vie reprit son rythme habituel. Au bureau la sous-chef ne revenait pas. Les brumes de septembre, d’octobre n’étaient pas faites pour la guérir. Un dimanche Geneviève l’alla voir. Au retour quand son mari lui en demanda des nouvelles, la jeune femme, assez attristée de ce déclin d’une autre femme, répondit qu’elle devenait impotente et qu’elle lui avait prédit : « Ma chère, je sens que je n’y retournerai plus à mon pauvre bureau ! Mais ce qui me console un peu, c’est que vous me remplacerez sûrement. Vous êtes fort capable de tenir l’emploi. » Pour la flatter, Geneviève lui avait demandé des conseils et promis de venir en reprendre, le cas échéant. Au départ, la vieille demoiselle l’avait embrassée et Geneviève avait les larmes aux yeux en le racontant. À la maison, le matin elle devait se cacher de son petit garçon pour quitter l’appartement sans quoi, la scène de désespoir était inévitable. Dans ce dernier cas, le mari et la femme gardaient un silence mortel dans la rue, au métro, D’ailleurs il semblait à Denis que Geneviève qui n’avait jamais été fort expansive, se faisait maintenant taciturne. Il fallait lui arracher les paroles. Elle devait sans doute se tourmenter fort du problème de sa situation. La pauvre sous-chef allait de mal en pis, mais toujours en congé régulier et aucune décision ne pouvait être prise à son égard.

Dans cette expectative le chef lui-même faisait en quelque sorte l’intérim du petit bureau vitré où il appelait souvent Mme Rousselière pour lui confier quelque recherche ou correspondance délicate. Tout marchait assez bien ainsi et le statu quo pouvait se prolonger ce qui n’enchantait pas la jeune femme car cette organisation de fortune éloignait toujours l’avancement espéré. Il y avait bien de quoi assombrir une telle créature.

Mais cette tristesse à la longue inquiéta le mari. Souvent au lit, le matin, il s’apercevait que la jeune femme avait les paupières rougies et qu’elle s’efforçait à le cacher. D’abord, attribuant difficilement à une déception ambitieuse un tel signe de chagrin chez une tête aussi forte, il en vint à s’accuser. Est-ce qu’il ne se détachait pas un peu d’elle ? Est-ce qu’à force de la juger sans cesse en silence, il n’avait pas laissé transparaître un peu de la rigueur de ses verdicts ? À la pensée que cette fière compagne pouvait souffrir de se croire moins aimée, il s’interrogeait, examinait sa conscience, disséquait ses impressions. Mais non, découvrait-il au contraire, je l’aime toujours davantage. Bien plus qu’au début de notre mariage. D’abord il y a cette admirable société conjugale qui tisse ses chaînes toujours plus serrées entre l’homme et la femme. Il y a l’habitude, avec ses assises qui se font chaque jour plus profondes, l’habitude qui, à la longue, crée aux époux un besoin toujours inassouvi l’un de l’autre. Il y a cette tendre appartenance de la femme au mari pour laquelle, moi, Denis, je voue à Geneviève une gratitude éperdue. Aurais-je pu lui laisser entendre le contraire ?

Il allait chercher midi à quatorze heures, imaginant par exemple qu’il aurait trop exprimé devant sa femme son culte poétique et secret pour Denise Charleman, qu’elle aurait surpris son admiration pour elle et jusqu’au parallèle qu’il traçait, malgré lui, entre ces deux épouses si opposées.

Et puis un matin, l’orgueilleuse Geneviève, qui se flattait de dominer toutes ses faiblesses, s’effondra en larmes sur l’épaule de son mari.

— Ah ! mon pauvre Denis ! Je ne puis plus avoir de doutes. Ce que je redoutais… Oui… C’est-à-dire, encore un enfant qui nous arrive…

— Est-ce vrai ? s’écria le jeune homme, délirant alors d’une joie soudaine, délivré de ses sombres soupçons, placé devant un nouveau bonheur quand il redoutait au contraire le châtiment de ses rancunes. Ah ! ma femme chérie, et tu dis : encore ! Aurais-tu donc voulu que Pierre fût un enfant unique comme moi, ce qui m’implique tant de mélancolie, si tu savais ! Aurais-tu désiré qu’il ignorât ce qu’est une famille gaie, bruissante, éperdue de jeunesse et de joie vivace comme la tienne ? Mais c’est une bonne, une très bonne nouvelle que tu m’apprends, chérie ! J’aurais voulu m’en réjouir plus tôt.

— Ah ! reprit Geneviève accablée, j’espérais me tromper…

— Mais, Geneviève aimée, pense à cette joie, à cette gloire d’avoir peut-être un autre fils !

— Je pense à la lutte secrète que j’ai dû subir contre toi pour conserver ma situation au Ministère, malgré la venue de Pierre. Oh ! c’était une guerre bien camouflée. Tu n’as jamais exigé que je démissionne. Tu ne m’as jamais imposé ton désir. Mais ton désir était si clair, mon pauvre Denis ! Des mots échappés çà et là. Des silences surtout. Ton seul regard le matin, quand Pierre fait une scène, lors de mon départ, ou quand Mme Poulut a omis quelque soin nécessaire. Va ! je sais bien que tu aurais préféré en moi une perfection comme Denise Charleman. Sans doute ton ami Jean est-il plus heureux que toi. Mais tu reconnaîtras avec moi que mes appointements n’ont pas été d’un trop grand surcroît dans le ménage. Ma situation nous est nécessaire. Et juste au moment où je la vois en passe de se développer, de m’amener aux emplois supérieurs, voilà que la perspective de ce bébé va tout remettre en question. Car c’est très joli pour un directeur d’avoir dans ses services une « Madame sous-Chef ». Encore faut-il que cette personne qui fait un métier d’homme ne soit point par à côté, chargée d’enfants, toujours en congé, à la merci d’une rougeole chez son petit dernier ou d’une scarlatine chez le troisième. Dans ce cas-là, une femme n’est plus que « tolérée », tu comprends ?

— Geneviève, reprit Denis, devenu grave comme il ne l’était jamais, tu parles exactement comme si tu avais été mise au monde pour devenir Rédacteur au Ministère et de là t’élancer vers les plus hauts grades ; comme si ta vie était conditionnée par cette existence bureaucratique ; comme si le seul milieu propice à ton épanouissement total était les cartons verts. Quant au reste, la maison, la famille, nos enfants, notre amour, Geneviève, notre amour : un supplément, un accessoire, que dis-je ! un impédiment… Ainsi, parce que notre petit cosmos intime, notre foyer va s’enrichir d’un être nouveau, notre chair, notre vie — et cependant une personne humaine qui n’était pas hier, qui sera demain, et parce que notre ménage va devenir de plus en plus le type de la plus belle et de la plus chic société qui soit, c’est-à-dire une famille, au lieu de surabonder de joie, je te trouve accablée de tristesse. Tu n’es donc qu’une Bureaucrate et rien d’autre. Geneviève !

— Toi, Denis Rousselière, fils du félibre, tu es surtout un poète, voilà ce que je constate. Au moment où je vais toucher le but qui a été celui de ma vie administrative depuis dix ans, un obstacle surgit, capable de me barrer la route pour jamais, en tout cas, de la rendre plus difficile encore. Il y a bien de quoi m’accabler.

— Ma pauvre femme chérie, tu avoues donc qu’elle est difficile, ta vie, la double vie que tu mènes ?

— Oui, elle est difficile ; oui, elle est compliquée, mais elle ne me fait pas peur, et, bien que je devine tes arrière-pensées, ton secret espoir, car pareil à un joueur aux courses qui a misé sur la déroute d’un cheval qui bronche un peu, tu espères me voir lasse et abandonner la partie, je t’avertis que ce second bébé ne m’empêchera pas de continuer la route que je me suis tracée. J’y ai bien réfléchi depuis que je me sens menacée de cette nouvelle maternité. Et ne m’en veuille pas, chéri, si je repousse d’avance la prière que je sens en toi. Non, je t’en prie, ne la formule pas cette demande de demeurer à la maison désormais pour vivre chichement, au rétréci, en pouponnant des enfants et en faisant la cuisine. Non, non, car je ne le pourrai pas. Au contraire, l’avancement que je prévois, si mon état n’y met pas obstacle, arrangera tout. Cette bonne Mme Poulut est parfaite pour les enfants, mais aussi pour la cuisine. Alors elle resterait comme servante et nous prendrons une jeune nurse pour les enfants. Et, mon Dieu, cela ne sera pas si dramatique, tu verras.

Puis après une réflexion qui la rembrunit de nouveau :

— À condition que je sois nommée, toutefois…

Au bureau, les jeunes dactylos s’excitaient sur le cas de la sous-Chef et de son remplacement. Ce n’était un secret pour personne que le Chef venait passer des matinées entières au petit bureau vitré, y brassait des papiers, y revisait le classement des dossiers en retard et recourait parfois inopinément à Mme Rousselière. Il ouvrait alors brusquement sa porte transparente pour donner l’éveil, et quand Geneviève avait dressé la tête là-bas dans la galerie, il lui faisait signe de venir. Alors elle se levait avec un empressement qui n’échappait pas à cette jeunesse folle et curieuse et se rendait en hâte à l’appel de son supérieur.

— As-tu remarqué, ma petite, si elle se dépêchait, Rousselière, quand le Chef l’a fait venir ? Elle s’y voit déjà en titre dans le bureau vitré !

— Moi, je ne l’y vois pas encore. Rousselière est bonne en rédaction mais elle est trop jeune, ma petite. Songe donc, tous ces vieux commis-là, ça leur ferait mal au cœur d’être sous les ordres d’une femme qui n’a peut-être pas trente ans !

— Trente ans ! Tu me fais rire ! Il y a quinze ans qu’elle est dans le bureau.

— Quinze ans ? tu te moques de moi ! Dix, à peine. Et puis ce n’est pas une question d’âge. L’autre, la vieille aux rhumatismes qui approchait de la retraite ne lui venait pas à la cheville. Combien de fois Rousselière l’a dépannée quand elle avait des embêtements ! Car vous savez, Rousselière, elle est peut-être un peu fière, pas très « causante », mais je ne l’ai jamais vue dire quelque chose d’injuste, et quant à son intelligence, il faut avouer que nous sommes toutes des têtes d’âne à côté d’elle.

Parle pour toi, ma petite. Ce n’est pas une raison parce qu’elle a fait des études…

Et celle-là tirait sa houppette à poudre et, furtivement, derrière sa machine à écrire, se « sucrait » le bout du nez, s’assurant ensuite dans un petit miroir caché au creux de sa main que la figure de Mme Rousselière n’avait plus cette fraîcheur de fleur que possédait la sienne.

Pendant ce temps, Denis connaissait une nouvelle période de désarroi. L’idée d’un second enfant qu’il croyait devoir lui être douce ne lui apportait pas le bonheur qu’il aurait cru. Geneviève s’était comme diminuée devant lui en ramenant un événement qu’il trouvait miraculeusement troublant et enchanteur aux proportions d’un obstacle à sa carrière. De plus, il admettait difficilement qu’une mère de deux enfants s’incrustât à ce point dans son métier que d’en oublier le besoin de s’asservir à ces petits êtres besoin que connaissent toutes les femmes. Mais inutile d’essayer de la fléchir là-dessus. « Si encore, pensait-il quelquefois, il était possible que ma mère vînt tenir la maison et surveiller les domestiques ! Mais il y aurait à sa présence entre nous un danger bien plus grand encore. Les époux doivent être seuls chez eux. Surtout quand l’épouse s’appelle Geneviève Braspartz, et quand la belle-mère, gardienne éventuelle du foyer, possède l’ardente personnalité de ma mère ! »

L’hiver était venu. Geneviève, assez fatiguée par cette nouvelle maternité, dut garder le lit plusieurs jours. « C’est le comble ! disait-elle ; l’impression sur mes chefs va être déplorable. Et dans un moment où se joue toute ma carrière. » — « Ta carrière principale, l’essentielle, ne put retenir Denis, c’est d’avoir de beaux enfants, l’autre n’est qu’un pis-aller. » — « Mais comment élèverai-je de beaux enfants en dehors de cette autre carrière ? » C’était entre eux la barrière cadenassée d’un affreux dissentiment.

Alors le chant à Denise, cet appel secret de son âme vers cette douce et idéale jeune femme se fit plus impérieux en lui. Il martelait la cadence de son pas quand, à cette époque, Denis se rendait seul au bureau :

Ô Denise aux cheveux de lin
Ô Denise aux cheveux de fée
Tu berces mon cœur orphelin
D’un regard de tes yeux câlins
Ô Denise si bien coiffée
De tes cheveux couleur de lin…

C’était enfantin, stupide et suave à la fois. Cela le berçait ce soir où, passant par-dessus ses scrupules de mari délicat et timoré, au lieu d’aller rejoindre Geneviève après le bureau, il suivit Charleman pour retrouver dans le petit appartement aux boiseries blanches du Boulevard des Invalides cette créature mystérieuse qui exerçait sur lui un si indéfinissable pouvoir. Il se savait trahir un peu Geneviève en allant demander à une étrangère moins un secours, un conseil, que la revanche d’un moment de joie, — cette joie si calme, si fine, si extraordinaire qu’il goûtait auprès de Denise. Il n’avait d’ailleurs nullement caché à Charleman le « réconfort que lui donnait, dans certains moments de mélancolie, la sagesse tranquille de cette petite Denise. » Si bien que celui-ci par gentillesse d’ami sensible et confiant, prétexta une course en arrivant au boulevard pour que Rousselière montât seul. Son cœur simple associait sa femme à sa solide amitié pour Denis. Qu’aurait-il pu redouter d’un loyal camarade ? Qu’il nouât de l’intimité avec Denise ? Mais l’estime qu’il portait à Denis embellissait cette intimité. Il était fier que Denis, qui possédait une femme tellement supérieure à Denise, ne négligeât point les qualités modestes mais exquises qu’il y avait dans la sienne.

— Excuse-moi, mon vieux ; j’ai un stylo en réparation que je dois aller reprendre là-bas. Mais tu vas trouver Denise, qui a beaucoup d’amitié pour toi et sera ravie de te voir.

Denis s’élança dans l’escalier qu’il gravit avec une prestesse d’adolescent. Denise vint ouvrir. Elle croyait trouver Charleman. C’était Rousselière. Elle lui adressa un sourire de petite fille plus confiante avec lui qu’avec un de ses frères.

— Qui me vaut votre visite ce soir ? Vous arrivez à la place de Jean ?

— Jean court après un certain stylo, je crois. Je le précède de quelques instants, parce que j’avais un grand besoin de vous voir, véritablement.

— Oh ! Rousselière, mais que puis-je pour vous ?

— Comment une pauvre petite femme sans valeur comme moi peut-elle vous être utile ?

— Vous savez bien que je vous ai appelée un jour « Notre-Dame du Bon Conseil ». Vous êtes la Raison même, Denise. Vous ne dites pas un mot, vous n’accomplissez pas un acte qui ne soit dans l’ordre, dans la vérité, dans une science admirable de la vie.

— Pouvez-vous dire cela de moi, quand vous possédez une femme comme Geneviève, si intelligente, si capable, si noble et qui sait tout ?

— Ah ! Geneviève oui, elle possède des diplômes. Mais elle ne sait pas tout, elle ignore parfois ce qui est l’essentiel dans l’existence.

Et Denise, étonnée, vit le mari de Geneviève prendre son front dans ses mains et s’effondrer les coudes aux genoux. Et elle l’entendit murmurer tout bas :

— Je ne suis pas si heureux que ça, Denise !

La première réaction de cette femme-enfant à ces mots, à cet aveu d’un jeune mari qu’elle imaginait nageant dans un bonheur absolu fut la stupeur. Elle restait clouée sur place.

— Comment ! Comment ! Ah ! que me dites-vous là, Rousselière !

Mais pour Denis, le plus difficile était lâché, Il avait joué le grand jeu, ouvert les vannes à sa rancune, renié Geneviève. Un peu gêné encore d’accuser sa femme devant une autre femme, il continuait avec des hésitations :

— Ah ! je reconnais toutes ses qualités, sa valeur, son grand cœur même. Mais ce que je lui reproche, voyez-vous, Denise, c’est d’être entrée dans le mariage avec des réticences. Pas généreusement ; pas totalement ; avec mille réserves. Je l’avais suppliée, quand j’ai compris combien je l’aimais, de lâcher cet affreux bureau, sa carrière. Je l’entends encore prononcer : « Que voulez-vous dire ? Renoncer à ma situation ? Sacrifier ma véritable destinée pour des besognes que n’importe quelle servante peut accomplir ? C’est à prendre ou à laisser. Je m’étais trompée sur vous. » Je l’ai boudée jusqu’à votre mariage, Denise. Ce jour-là nous nous sommes retrouvés face à face. C’est ce jour-là, sous les auspices de votre bonheur, sous l’influence des paroles magnifiques sur l’union de l’homme et de la femme prononcées par le prêtre à l’homélie, que le rapprochement s’est fait entre nous. Vous étiez devant nous, dans le chœur de l’église, une blanche apparition. C’était un signe que me faisait mon Destin. J’ai dit à Geneviève : « Je vous aime assez pour vous concéder tout ce que vous voudrez. » J’ai fait seul toutes les concessions. Elle, aucune ! Nous allons avoir un second enfant. Elle ne s’en console pas, tremblant que cette nouvelle maternité n’empêche sa nomination au poste de sous-Chef. Vous comprenez, toute sa vie est orientée vers cet objectif. L’axe de cette existence de femme n’est pas dans notre petit appartement de la Porte Saint-Cloud. Il passe par un certain bureau vitré que vous connaissez bien, au fond de la galerie…

La frêle jeune femme, qui entendait cette confidence violente et passionnée avec tout son sang-froid de fille du Nord, sourit doucement :

— Rousselière, ne dramatisez pas. Dans votre procès il y a deux éléments distincts, il y a la réalité et il y a votre imagination. Il y a les faits, et puis l’angle sous lequel vous les voyez. Est-ce un crime chez votre femme de désirer un poste intéressant où son travail, au lieu d’être assujetti à tous les contrôles, sera le libre jeu de son intelligence, de son discernement ? Être chef, dans le plus prosaïque ministère, comme dans la plus glorieuse armée, c’est prendre ses responsabilités et puis dicter ses décisions. Geneviève n’est nullement à blâmer d’envier ce titre. On ne peut davantage lui reprocher d’avoir souhaité que cette naissance d’un second enfant eût lieu plus tard, après sa nomination, de façon à ne pas la différer éventuellement.

— Mais Denise, si ma femme n’était pas si fébrilement occupée de sa vie administrative, elle serait demeurée comme vous à la maison. Votre petite fille, elle, ne connaît pas chaque matin le désespoir qu’a notre pauvre Pierre dès qu’il voit sa mère mettre son chapeau…

— Oh ! vous savez, Rousselière, les désespoirs des petits bébés sont bien bruyants, mais vite consolés. Ma fille m’en fait autant lorsque je vais au marché, la laissant à une femme de service.

— Mais, mon fils, elle le connaît à peine. Il appartient à sa bonne, Poulut. Elle lui chante des chansons d’Auvergne et lui donne jusqu’à ses goûts auvergnats.

— Moi, Rousselière, à sept ans, je ne chantais que des chansons anglaises à cause de ma gouvernante.

— Alors vous estimez que ma femme agit bien en délaissant son intérieur pour le ministère ?

— Elle y a ses raisons que vous devriez essayer de comprendre au lieu de la décrier.

— Mais enfin, vous n’avez cependant pas opté comme elle pour le bureau contre la maison !

— Ah ! Denis pouvez-vous me comparer à votre femme, moi qui n’ai ni intelligence, ni savoir, ni caractère. Geneviève est une créature d’exception ; moi, la première venue.

— Comme il vous plaira, dit Denis qui ne put retenir cette fois un sourire. N’empêche que Charleman est follement heureux.

— Vous avez des raisons de l’être cent fois plus que lui.

Denise avait des mains toutes menues dont, lorsqu’elle se trouvait embarrassée, elle tordait les doigts l’un sur l’autre comme font souvent les petites filles. Elle n’aurait pas voulu froisser l’ami de son mari, mais un gros blâme se formait dans sa conscience contre lui, qu’elle n’osait pas formuler trop nettement. Elle finit par murmurer :

— Êtes-vous sûr, Rousselière, de votre côté, d’avoir donné à Geneviève tout le bonheur que vous lui aviez promis. J’ai peur que vous n’ayez rien fait pour essayer de la comprendre, d’entrer dans ses intentions. Pensez aux capacités de cette créature-là. À la situation brillante qu’elle peut se faire, à l’aisance qu’elle peut créer à ses enfants pour leur propre avenir. Ce n’est peut-être pas votre point de vue, mais c’en est un qui se défend.

Denise parla longtemps sur ce sujet avec son élocution toute simple, toute claire. Elle plaidait serré la cause de Geneviève, la défendait par la seule admiration qu’elle lui avait vouée. Rien ne frappe plus un homme que l’avis d’une autre femme sur sa femme. Il se calmait. Une douceur le pénétrait. Lorsque Charleman rentra il le retrouva dans cette pose de pénitent assis sur une chaise basse près de Denise. Ce fut pour Denis le signal du départ. Déjà Geneviève devait l’attendre. Mais il avait un autre visage déjà. Il saisit la main de petite fille qui pendait à l’appui du fauteuil et la baisa presque religieusement en disant à son ami :

— Ta femme est un confesseur extraordinaire, mon vieux. J’étais venu dans un dangereux état moral. Elle m’a retourné. Je pars transformé.

Sur le palier il redisait encore.

— Je suis transformé, c’est exact. Demande-lui de te répéter tout !

Il sentait qu’il allait reprendre près de Geneviève une attitude moins nerveuse, moins pointilleuse. Essayer de la comprendre comme l’avait indiqué le cher confesseur, d’entrer dans ses vues, compte tenu des supériorités de sa femme auxquelles il n’avait pas assez réfléchi jusqu’à présent.

« Vous ne pouvez traiter Geneviève comme la première venue, » avait dit Denise.

Cependant alors que le métro l’entraînait dans Son rythme infernal vers la Porte de Saint-Cloud, il ne cessait de marteler à la même cadence :


« Ô Denise aux cheveux de lin
« Ô Denise aux cheveux de fée
« Qui berce mon cœur orphelin… »