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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

— Ce sera le plus grand viaduc à arc métallique qui ait été exécuté jusqu’à ce jour. Il est destiné à livrer passage, au-dessus de la profonde vallée de la Truyère, à la nouvelle voie ferrée de Marvejols à Neussargues. Cinq cent cinquante mètres à franchir ! Pour vous donner une idée de la hauteur vraiment prodigieuse de l’ouvrage, je vous dirai que sous l’arche centrale passerait Notre-Dame de Paris avec la colonne Vendôme sur une de ses tours. Mais vous n’en savez pas davantage, ni l’un ni l’autre, mes amis !

— Si fait ! Je connais bien Paris, dit le buronnier.

— Et moi j’y suis né, dit Jean, et j’y étais encore il y a huit jours.

— Eh bien ! que dites-vous de ça ?

— C’est bien vrai, c’est une merveille ! dit Villamus. Si cela pouvait nous faire vendre mieux nos fromages !

— Qui sait ? Peut-être bien…

— Et Jean qui ne revient pas ! s’écria tout à coup le petit Parisien. Et mon pauvre Bordelais la Rose blessé pour moi ! mis en prison pour moi ! Ah ! monsieur, ajouta-t-il en s’adressant d’un ton suppliant au maître de musique, si vous vouliez seulement me mettre sur mon chemin, comme je vous serais reconnaissant !

— Ce serait une bonne action, observa le buronnier. Ce petit va me tomber malade. Voilà trois jours que ça dure, et ça ne fait que croître et embellir.

— Eh bien, j’y consens, dit le jeune homme. Mais voici à quelle condition : c’est que vous me permettrez, mon brave buronnier, de revenir vous demander un gîte pour la nuit. Il ne me restera plus assez de temps pour aller aujourd’hui au Roc du Merle. Je renverrai la partie à demain matin.

— Oh ! c’est très volontiers ! dit vivement Pierre Villamus, et je vous remercie de ce que vous faites pour cet enfant, qui est un brave garçon.

— Allons ! en route ! s’écria le jeune musicien ; je le conduirai assez loin pour qu’il ne puisse plus manquer son chemin.

— Un instant ! fit le buronnier. Et s’adressant à Jean : Je dois un louis, dit-il, à mon successeur Mathurin. Je vais te le remettre pour que tu le lui donnes à ton retour à Paris. Bien entendu, tu peux l’entamer en route, si tu en as besoin…

C’était là une attention fort délicate.

Ils partirent, Jean, tout joyeux, remerciant avec effusion le bon Villamus pour son hospitalité et l’intérêt qu’il lui témoignait. Le buronnier voulut absolument que le petit Parisien se coiffât d’un chapeau de paille qui traînait