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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

teries, les moulins à huile, les tanneries, les papeteries, les scieries mécaniques, les fonderies de fonte, les ferronneries, les verreries, et les autres établissements industriels qui donnent la vie au pays. Y avait-il des Allemands parmi ces ouvriers qui prenaient le frais, groupés sur les petites places, allumaient une pipe, ou couraient se coucher ? C’était peu probable… Telle fut pour Jean l’impression décourageante du premier coup d’œil. Mais alors pourquoi s’obstinait-il à vouloir trouver Hans Meister à Bernay ? Le pauvre garçon n’en savait plus rien et perdait réellement la tête. Il soupirait profondément, et il avoua enfin à son compagnon qu’il désespérait de mettre jamais la main sur l’Allemand détesté.

— Eh bien ! fit l’autre, retournons à Rouen par le plus court chemin. Il n’est peut-être pas trop tard pour apaiser ma tante… Nous aurions pu nous renseigner à la gare, ajouta-t-il, d’un ton de regret.

— C’est pourtant vrai ! dit Jean. Et pour réparer sa maladresse il voulut tout de suite prendre le chemin de la station.

Là, aux questions qu’il fit on répondit qu’aucun personnage répondant au signalement donné, n’était descendu des trains de la journée.

— Mais c’est un voleur ! répétait Jean pour mettre les gens dans ses intérêts. Un voleur, je vous dis, et j’aimerais mieux qu’il m’eût dérobé ma montre…

Au mot de voleur, on faisait cercle autour des jeunes garçons : où pouvait donc être passé ce voleur ?

Un homme d’équipe de la gare de Serquigny, arrivé par le même train que Jean et Barbillon, affirma qu’un Allemand, taillé sur le modèle décrit, était descendu à Serquigny, un « chanteau » de pain sous le bras, tout exprès semblait-il comme pour s’y prendre de querelle avec un chacun. « Il ne voulait entendre à rien ni à personne. » Traité par le chef de gare de foinillard[1], d’aversat[2] et d’espion, il avait repoussé, ces injures — dont il ne comprenait sans doute que la dernière — prétendant avoir sauvé la vie au fils d’un riche meunier de la Commanderie, près du Neubourg, pendant la guerre, dans les ambulances prussiennes ; et affirmant qu’il se faisait fort d’être bien accueilli par cet homme, chez qui il se rendait. L’Allemand ajoutait qu’il avait longtemps cherché cette Commanderie ; mais, que maintenant il savait de quel côté se diriger.

  1. Rôdeur.
  2. Fou, possédé du diable.