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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

Et il avait pris la voiture du Neubourg.

Jean dut s’estimer fort heureux d’être ainsi renseigné sur les agissements de son Allemand. Il reprit courage.

Rien de plus exact que ce qu’avait dit Hans Meister : il pensait trouver assistance chez le meunier au fils de qui il avait rendu quelques services, au temps où il remplissait de très humbles fonctions dans les ambulances de l’armée d’invasion. Le compère de Jacob comptait que la somme nécessaire pour retourner en Allemagne ne lui serait pas refusée…

Jean n’avait pas à hésiter. Il devait se mettre à la poursuite de l’Allemand. Forcé de passer la nuit à Bernay, il remit au lendemain à la première heure, le retour à Serquigny, pour y prendre la voiture du Neubourg.

Tout cela fut exécuté rigoureusement.

Le lendemain, à midi, Jean et son camarade arrivaient au Neubourg. De là, ils allèrent à pied à la Commanderie : c’est un village situé à trois quarts de lieue, dans la riche plaine bien cultivée qui environne le Neubourg. Les champs de blé moissonnés laissaient voir partout le sol hérissé de chaume, et chaque pièce de terre marquait ses limites par de hautes meules de gerbes dorées.

Jean et Barbillon arrivèrent à la Commanderie, remarquable par la mare verdâtre qui occupe le centre du village et le beau clos de pommiers joint à la maison d’école. Le meunier, ce devait-être le père Quévilly, leur dit-on ; mais il n’était plus riche ; des spéculations malheureuses sur les grains l’avaient ruiné, et il vivait retiré, non loin de là au Bec-Hellouin, près de Brionne. Ces renseignements, obtenus des premiers paysans à qui Jean s’adressa, lui firent comprendre pourquoi il ne rencontrait pas Hans Meister. L’Allemand avait paru la veille à la Commanderie et s’était dirigé immédiatement vers le Bec. On dit à Jean qu’il boitait.

Sans perdre une heure, Jean essaya de le rattraper, entraînant encore une fois de vive force son ami Barbillon. Ils prirent par la route de Fontaine-la-Soret, et suivirent un bout de temps le chemin bordé de peupliers qui mène de Paris à Cherbourg. Là, se trouvaient de belles prairies, s’étendant aux pieds des coteaux boisés. De grandes vaches rousses plongeaient leur mufle avec volupté dans les herbes humides.

Ils quittèrent la route nationale et, remontant au nord, ils se dirigeaient vers Brionne, lorsque à leur grande surprise, une cavalcade formée de jeunes chevaux arriva derrière eux. Les plus fougueux étaient montés par des cavaliers de la remonte qui les maîtrisaient non sans quelque peine. Jean et Barbil-