Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/35

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iii

Le petit Jean attendit un jour, deux jours, le retour de son père, mais non sans impatience. Pour moins se languir, il allait au bout du village, du côté où la troupe avait disparu, et là, il regardait au loin dans les chemins, blancs de neige, qui bordaient les bois. Mais un vent froid le cinglait au visage. Alors, il s’en revenait les mains gourdes, la larme à l’œil, grandi par la neige collée à ses sabots.

— D’où viens-tu donc, encore, mauvais afans ? lui criait la vieille Jacqueline.

— Tante, c’est pour le grand sabre, répondait Jean.

— Sabre de bois ! je t’en ferai un de sabre, s’écriait le père Barnabé, visiblement impatienté, — mais demain, après mon travail, entends-tu ?

— Je ne veux pas un sabre de bois, criait l’enfant en pleurant.

Puis son œil se rouvrait étincelant, rayonnant : il s’était réchauffé les mains auprès du fourneau ; et il murmurait déjà :

— D’abord, je vais voir !

Et il allait voir, marchant jusqu’aux dernières maisons de Vannes-le-Châtel, et même un peu au delà.

Le troisième jour, le petit Jean s’avança jusqu’à Barizey. Il ne rentra qu’après une absence de quatre heures et fut vivement grondé. Il promit « qu’il ne le ferait plus » ; mais le lendemain il poussa une reconnaissance jusqu’aux environs de Colombey, à plus de deux lieues de Vannes. Le hasard semblait vouloir servir l’enfant, et il s’était sensiblement rapproché de l’endroit où son père avait passé ce même jour : car la colonne avait opéré sa retraite en appuyant davantage sur la gauche dans la boucle de la Moselle.