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Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/650

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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

montagne en montagne, et les roulements du tonnerre venaient se répercuter dans les monts chauffés à blanc par un ardent soleil ; alors les guides faisaient remarquer sur les roches les traces de fusion laissées par la foudre lorsqu’elle sillonne et frappe les hauteurs.

Dans les passages étroits, nos touristes faisaient quelquefois la rencontre de bergers en quête de nouveaux pâturages. Ils chassaient devant eux leur bétail. Un jeune garçon cheminait en tête du troupeau pour le diriger ; il ne parvenait à se faire suivre des brebis et des chèvres, toujours disposées à s’éparpiller, que par les appels de la voix et les balancements d’une petite cloche fêlée qu’on eut dit de fer-blanc. Un de ces chiens des Pyrénées, si dociles sous leur air farouche, l’aidait à rallier les bêtes incertaines ou volontaires.

Les vaches plus obéissantes venaient après les brebis, avec un air étonné de voir des lieux inconnus ; puis les juments et leurs poulains aux folles allures, les mulets à la marche prudente, au pas sûr, enfin le chef de famille et sa femme, tous deux à cheval, les plus jeunes enfants en croupe derrière eux, le nouveau-né contre la poitrine de sa mère, couvert d’un pli de son large voile écarlate.

Sur les montures, les filles déjà grandes filaient ; les petits garçons couraient sur les flancs, coiffés d’une marmite ou d’un chaudron, et jetant des regards d’envie sur leur aîné, armé en chasseur. Enfin le moins turbulent de tous, possédant la confiance du patriarche, et déjà préposé au soin du bétail, fermait gravement la marche, chargé du sac à sel marqué d’une grande croix rouge.

Enfin nos touristes arrivaient aux plus hauts sommets, et ils étaient bien payés de toutes leurs peines. Les jeunes gens considéraient avec une muette surprise les plus grandioses des spectacles. La vue s’étendait au loin de tous côtés sur la France et parfois sur l’Espagne, avec des effets de perspective aérienne marquant les distances. Comme naïvement ils trouvaient la France grande, vue du sommet de cette barrière qui lui sert de frontière : immense cassure du globe, dont les fragments se sont dressés en cent montagnes. Ce qu’ils en pouvaient embrasser du regard était pourtant fort peu de chose…

Un matin, sir William conduisit Maurice et Jean au pic de Monségu. La promenade se fit en grande partie en voiture. Du haut de ce pic qui a plus de deux mille quatre cents mètres, la vue est très belle. On y embrasse du regard le groupe des Pics de Néré, pics dont on ne se trouve séparé que par un étroit et profond ravin.