Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/37

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Le père de la jeune fille était un riche commerçant. La maison qu’ils habitaient était richement décorée et meublée avec un grand luxe ; et le salon était orné d’une foule d’objets d’art provenant des pays les plus divers, dans lesquels il était facile de reconnaître les souvenirs de nombreux voyages.

Si nous pénétrons dans ce salon, vers trois heures de l’après-midi, pendant que Joe continue patiemment sa faction au dehors, nous trouverons Mlle Marsy engagée, depuis quelques instants déjà, dans une conversation fort animée, avec un visiteur qui ne vous est pas encore connu.

M. Ralph Turner, le visiteur en question, est un jeune homme grand et mince, habillé avec une élégance et une correction irréprochables. Au premier abord, il n’est pas sans avoir quelque vague ressemblance de tournure avec Robert Hait, mais ses yeux noirs et fuyants, donnent à sa physionomie une expression toute différente. Son regard a quelque chose de trouble, dont on ne se rend pas bien compte, mais qui ne semble pas fait pour attirer la sympathie.

Il se tient debout, en faisant basculer une chaise sur laquelle ses mains sont appuyées.

En face de lui, Mlle Marsy est assise sur un canapé et paraît prendre un malin plaisir à l’embarras de son interlocuteur.

— Asseyez-vous, je vous en prie, M. Turner. Si vous continuez à traiter aussi durement ma pauvre chaise, vous allez la mettre en morceaux.

— Il n’y a pas de danger, dit M. Turner en lâchant la chaise. Mais je vois qu’aujourd’hui votre mauvaise humeur s’acharne sur mes moindres gestes.

— Ma mauvaise humeur ! répéta la jeune fille, vous êtes sévère, M. Turner. Vous êtes la première personne qui ait songé à me reprocher en face quelque chose d’aussi peu comme il faut.

M. Turner se laissa tomber sur sa chaise, comme un homme accablé de douleur.

— Je vois bien, dit-il après un moment de silence, que, depuis quelque temps, vous n’êtes plus la même avec moi, mademoiselle, et j’en souffre cruellement. Dites-moi en quoi je vous ai offensé.