Page:Anonyme - La goélette mystérieuse ou Les prouesses d'un policier de seize ans, 1886.djvu/80

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dage opposé.

En voyant approcher ses deux assaillants, Joe comprit que le moment était venu de prendre une résolution décisive.

— « M. Cheveuxroux, » cria-t-il, d’une voix stridente, désolé de vous brûler la politesse. Il n’est si bonne compagnie qui ne se quitte. J’emporte votre médaille, en souvenir de vous. À ce moment, il y eut une violente secousse dans les cordages ; un petit corps s’élança en avant et tomba avec la rapidité de l’éclair ; il y eut dans l’eau le bruit d’un clapotement et Joe disparut à tous les regards.

— Aux voiles ! virez de bord ! cria le capitaine. Mais il fallut quelques instants, pour exécuter la manœuvre. Pendant ce temps-là, la goélette continua à filer le long du courant, et elle était déjà à plus de trois cents yards au-dessous, lorsqu’on vit apparaître la tête de Joe, qui nageait vers le bord avec une énergie désespérée.

La goélette vira de bord et pendant une minute, le capitaine Langlois put espérer rattraper son fugitif, mais à cinquante yards environ du point où Joe était parvenu, le bâtiment toucha le fond.

L’homme aux cheveux roux saisit son revolver, avec un cri de rage et mit le gamin en joue. Mais le quartier-maître lui saisit vivement le bras.

— Cela ne se fait pas, capitaine, dit-il d’une voix basse mais résolue. Un meurtre est une mauvaise affaire qui n’améliorerait point notre position.

Prenez-le à la nage ! cria le capitaine.

Mais Joe n’était plus qu’à une faible distance du rivage : il aborda en quelques instants sur la terre ferme et se tint debout sur la rive, en regardant la goélette ; et en appliquant au bout de son nez l’extrémité du pouce de la main gauche, il fit exécuter à ses quatre doigts restés libres, un exercice bien connu et dont la signification railleuse ne comportait pas l’ombre d’un doute.

— Allons ! fit-il en contemplant tristement l’eau qui dégouttait de ses vêtements séchés, le matin avec tant de peine, il était écrit que je prendrais encore un bain. C’est le troi-