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AURORA FLOYD

Le marin ne fit pas une réponse directe à cette question. Il indiqua, en faisant un geste de la main par-dessus son épaule, l’endroit sombre dans le bois solitaire qui était aussi présent à sa pensée qu’il l’avait été à ses yeux un quart d’heure plus tôt.

— Un homme, — dit-il, — un homme… étendu au bord de l’eau… le cœur traversé d’une balle !…

— Est-il mort ? — demanda quelqu’un d’une voix sinistre.

Les voix et les questions se croisaient en tous sens dans ce moment de terreur, où tout le monde était frappé de surprise et d’horreur. Personne ne savait qui parlait, à l’exception des interrupteurs qui peut-être eux-mêmes ignoraient qu’ils eussent parlé.

— Est-il mort ? — demanda un de ces écouteurs avides.

— Raide mort.

— Un homme… tué dans le bois ! — s’écria Mellish. — Quel homme ?

— Excusez-moi, monsieur, — dit le vénérable sommelier, en touchant respectueusement du doigt l’épaule de son maître, — je pense, d’après ce que dit cet individu, que l’homme tué est le nouvel entraîneur monsieur… monsieur…

— Conyers ! — s’écria John, — Conyers !… Qui l’aurait tué ?

Cette question était faite d’une voix étouffée. Il était impossible à son visage de devenir plus pâle qu’il l’avait été au moment où il avait ouvert la porte du salon pour passer dans le vestibule ; mais un changement terrible, impossible à traduire par des mots, s’opéra en lui en entendant prononcer le nom de l’entraîneur.

Il demeura muet et immobile, rejetant ses cheveux de son front et Regardant vaguement autour de lui.

Le grave sommelier toucha une seconde fois l’épaule de son maître.

— Monsieur, — dit-il, voulant faire sortir Mellish du calme sombre et stupide dans lequel il était tombé : — excusez-moi, monsieur, mais si ma maîtresse venait à ren-