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LA FEMME DU DOCTEUR.

ensemble des étoiles et des fleurs, des nuages changeants, des ombres sur la rivière, du calme solennel de la vieille église, du sourd frémissement des branches de saule baignant leurs extrémités dans l’eau, c’étaient les pensées de l’homme ignorant qui étaient hors de la portée de l’enfant instruit ; l’imagination de l’élève s’élevait dans les régions brillantes à la porte étincelante desquelles le maître reculait étourdi, ébloui, et confondu.

George apprit un grand nombre de choses à son compagnon pendant ces charmantes soirées du samedi, pendant lesquelles le médecin faisait ses visites, ce qui permettait à l’enfant de rester dans la cuisine avec William et Mathilda. Il parla à l’homme du comté d’York de ces ennemis de l’adolescence, les poètes classiques ; mais William préférait infiniment Shakespeare et Milton, Byron et Scott, aux Latins les plus parfaits, dont les vers boitaient effroyablement une fois traduits par George. Jeffson n’était jamais las de Shakespeare. Il ne se blasait jamais sur Hamlet, Lear, Othello, et Roméo, le jeune et brillant prince qui essaye la couronne de son père le hardi Hotspur, l’infortuné Richard, Marguerite la passionnée, Gloster l’assassin, Wolsey le dissipateur, et la noble Katharine. Toute cette merveilleuse galerie de tableaux déroulait ses splendeurs pour cet homme, et l’écolier s’étonnait d’un enthousiasme qu’il ne pouvait comprendre. Il pensait que Mathilda, femme pratique, pouvait bien avoir raison, et que son mari était un peu fou sur certaines choses.

L’enfant reconnaissait l’affection de son humble ami par une déférence sincère et franche qui récompensait largement le jardinier dont l’amour n’était pas