Page:Burnouf - Lotus de la bonne loi.djvu/905

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
864
APPENDICE. — No XXI.

sa chevelure lorsqu’il quitta la maison paternelle pour entrer dans la vie religieuse. Ces deux passages n’ont guère de commun que le fait même qu’ils rapportent, et j’avoue que je ne me serais pas cru obligé de les alléguer en faveur de la thèse que j’examine en ce moment, si l’un d’eux, le texte pâli, n’y ajoutait une remarque sur l’état des cheveux de Çâkya lorsqu’il les eut abattus avec son glaive. N’ayant pas connu ce texte au moment où je terminais mes recherches sur les trente-deux signes caractéristiques d’un grand homme ; je crois nécessaire de réparer cette omission involontaire.

Au quinzième chapitre du Lalita vistara, lorsque le jeune Çâkya est définitivement sorti de la maison paternelle pour n’y plus rentrer, et au moment où il va se dépouiller de ses vêtements de prince, il se dit : katham̃ hi nâma tchûḍâtcha pravradjyâtchêti ; sa khaḍgêna tchûḍâm̃ tchhittvâ antarîkchê kchipati sma, « Comment concilier cette touffe de cheveux avec l’état de mendiant ? Ayant tranché avec son glaive la touffe de ses cheveux, il la lança dans l’air[1]. »

Voici maintenant comment un texte pâli, très-estimé à Ceylan, expose cette même circonstance :

Imê mayham̃ kêsâ samaṇayâruppâ na bônti te khaggêna tchhindissâmîṭi dakkhiṇahatthêna paramatisinam̃ asivaram̃ gahêtvâ vâmahatthêna môliyâ saddhim̃ mûlam̃ gahêtvâ tchindâ kêçâ dvag̃gulamattâ hutvâ dakkhiṇatô âvattamâṇâ sîsê alliyim̃su têsam̃ pana kêsânam̃ yâvadjîvam̃ tadêva pamânam̃ ahôsi.

« Ces cheveux que je porte ne sont pas convenables pour un Samaṇa, je vais les couper avec mon glaive ; ayant pris alors, de la main droite, son bon glaive très-tranchant, et de la gauche, la masse de sa chevelure, avec l’aigrette qui l’ornait, il la trancha. Ses cheveux, réduits à la longueur de deux doigts, se tournant vers la droite, restèrent appliqués sur sa tête ; ce fut là leur longueur jusqu’à la fin de ses jours[2]. »

C’est de cette manière que les Buddhistes expliquent, et les boucles formées sur la tête du Buddha par les cheveux qu’il portait longs quand il était Kchattriya, et cette circonstance que, sur aucune des statues qui le représentent, les boucles ne sont pas plus longues que sur une autre. On voit sans peine combien cette explication est arbitraire, et il est probable qu’elle n’a été imaginée que postérieurement à la détermination définitive du type consacré à la représentation de la personne physique du Buddha. Je n’en devais pas moins en faire mention ici pour compléter ce que j’ai dit plus haut sur la question si controversée de la chevelure de Çâkyamuni.


4. Dans le curieux entretien de Çâkyamuni avec Adjâtaçatru, qui fait le fond du Sâmañña phala sutta traduit plus haut[3], se trouve un passage sur la vue divine que possède le sage, et qui lui donne la connaissance de la destinée des êtres divers. Ce passage se répète presque mot pour mot dans le Lalita vistara, de façon que nous en possédons deux rédactions à peu près identiques pour les termes, mais différentes pour

  1. Lalita vistara, f. 140 de mon man. B ; Rgya tch’er rolpa, t. I, p. 214.
  2. Djina alam̃k. f. 102 b.
  3. Ci-dessus, no II, p. 479.