Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/121

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Que dire, ou plutôt que ne pas dire, des superstitions japonaises ? Le peuple a ses idoles, ses fétiches, ses charmes, ses amulettes, qui se vendent par millions aux temples. Le pays fourmille de devins, de nécromanciens, de géomanciens, de thaumaturges, de sorciers, de mages, d’hiérophantes, de mystagogues, de possédés, d’exorcistes. Il y a des lieux célèbres qui passent pour avoir été les théâtres de guérisons retentissantes : des aveugles y auraient vu, des muets y auraient parlé. Des parcelles du corps de Bouddha, des reliques, des effigies de personnages très saints sont exposées par les bonzes à la vénération des fidèles. À Tôkyô, la ville des lumières modernes au Japon, dans le plus grand temple du pays, le Nishihongwanji, construit il n’y a qu’une vingtaine d’années seulement, au prix de sommes fabuleuses, il suffit, paraît-il, de faire cent circuits, pour obtenir miséricorde du dieu de la guerre, à condition toutefois de jeter, à chaque tour, un petit morceau de papier dans un coffre ouvert. L’image de Binzuru, le dieu qui cicatrise, est devenue toute usée et polie par les attouchements des croyants qui, pour obtenir leur guérison, passent la main sur les yeux et le visage de l’idole, et ensuite touchent de cette main leurs propres yeux et leur propre visage. Enfin, on croit aussi à des êtres dangereux, comme le renard magique, la femme blanche, les ogres, les fantômes, les licornes des forêts, les sirènes et les pieuvres du bord des flots et des criques.

Et la situation morale de ce peuple, comment la définir ? Ici, il faut distinguer entre la vieille et la jeune génération.

La vieille génération conserve encore la formation qu’elle a reçue du bouddhisme. Or celui-ci a éduqué le