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LE CULTE DES MORTS

porter l’esprit même du défunt, dont on va conduire le corps au cimetière.

Chez les shintoïstes comme chez les bouddhistes, avant le départ en procession, il y a eu dans la maison du défunt une première cérémonie présidée par les kanmushi. Déjà devant le cercueil, les gens de la maison avaient placé une petite coupe d’offrandes très simples : de l’eau, du sel, des grains de riz non décortiqués. À l’arrière des kanmushi, si on est en été, on installe le cercueil dans la rue même. Puis la cérémonie commence. Elle est d’une simplicité ou plutôt d’une pauvreté vraiment pitoyable. À peu près tout se fait en silence. Un des kanmushi, celui qui préside, se tient debout devant le cercueil, et les autres sont placés à petite distance les uns des autres. Le plus éloigné du cercueil reçoit, une à une, de la main d’une personne de la maison, les diverses offrandes, qu’il passe à son voisin ; les offrandes vont ainsi, de main en main, jusqu’à celui qui préside. Celui-ci alors, avec une inclination, les présente au mort et les dépose devant le cercueil. Ces offrandes sont deux poissons sur un plateau, des gâteaux de riz et des légumes. Ce sont ce qu’on appelle les sankai no chimmi, les mets les plus savoureux de la montagne et de la mer.

Puis le président fait un discours ; c’est l’oraison funèbre ou, plus exactement, l’apothéose du défunt. Comme dans le bouddhisme, si l’on en croit l’orateur, le défunt, quel qu’il soit, devient dieu, sans l’avoir fait exprès. Le procès de canonisation est le plus miséricordieux du monde : l’orateur a le don extraordinaire de reconnaître au disparu une foule de vertus que celui-ci, dans son humilité sans doute, avait soigneusement cachées pendant sa vie. Le discours se termine par une