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PROPOS JAPONAIS

la baie d’Aniva. Ces trois districts étaient gouvernés par des surintendants auxquels présidait un gouverneur général militaire, résidant à Alexandrovsk. L’île comptait quatre prisons : une à Alexandrovsk, la plus grande, une à Korsakovsk, et les deux autres à Derbensk et à Rikovsk, dans le district de Timovsk.

Les forçats devaient d’abord faire quelques années de prison. Au bout de ce temps, on leur permettait de vivre en liberté dans l’intérieur de l’île, d’y bâtir une maison et d’y cultiver un champ. Ils recevaient pour ce travail une scie, une hache et des cordes ; on leur fournissait aussi une provision de farine, chaque mois, pendant une couple d’années.

Forts de cette organisation, les Russes ont tenté la colonisation de Saghalien. Ils ont prétendu fonder une société nouvelle avec des gens dangereux pour la société. Assurément le projet était audacieux sinon téméraire. Encore, s’ils eussent eu recours aux ressources de la morale ! Mais hélas ! celle-ci fut négligée. La plupart des fonctionnaires ne furent que des joueurs, des buveurs et des débauchés. Beaucoup spéculaient largement sur le prix des provisions qu’ils étaient chargés de distribuer aux forçats. Les popes eux-mêmes, censément venus à Saghalien pour y être les gardiens de la religion et de la morale, y tenaient au contraire, paraît-il, une conduite fort scandaleuse.

Avec de tels exemples, on comprend qu’il est difficile de morigéner des voleurs et des assassins, fût-ce même en employant les mesures de rigueur, telles que le port des chaînes, le séjour du cachot noir ou même la flagellation par le terrible knout : châtiments qui ne furent jamais épargnés à Saghalien. Aussi les forçats, colons