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L’ÎLE DE KARAFUTO (SAGHALIEN)

pour la plupart, ne devinrent que de pires bandits. N’ayant d’intérêt pour aucun travail, au fond rongés par une noire mélancolie qui faisait d’eux des caractères désespérés et haineux, ils ne pensaient qu’à commettre de nouveaux crimes. Comme moyen de subsistance pour eux, il n’y avait guère que le vol, dont, en un seul jour, on enregistrait sept ou huit cas, dans un même village. Les femmes se prêtaient, se vendaient pour de l’eau-de-vie, et même se donnaient pour rien du tout ; l’assassinat n’apparaissait que comme un moyen radical pour se débarrasser d’un importun.

En somme, cet essai de colonisation aboutit simplement à un échec. La Russie a dépensé pour cette entreprise des sommes considérables ; et le résultat en fut à peu près nul. Quant aux forçats, ils devinrent plus abrutis qu’ils ne l’avaient été en leur pays.

La situation en était là quand éclata la guerre de 1904-1905. Ce fut pour les forçats l’heure de la délivrance. Dès que l’armée japonaise parut dans l’île, les Russes rendirent la liberté à leurs détenus, et le premier acte de ces derniers, enfin libérés, fut de brûler, à Korsakovsk, la prison et l’église orthodoxe. La plupart d’entre eux aussi, surtout ceux qui habitaient au sud de l’île, profitèrent de cette guerre pour retourner en Sibérie ou en Russie. De 85 000 qu’ils étaient auparavant, il n’en reste plus actuellement que 25 000, vivant surtout au nord de l’île.

Cependant, à côté des Russes et avant eux, vivaient à Saghalien des peuples indigènes. Ils subsistent encore