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PROPOS JAPONAIS

affronter la puissance et le luxe des grands et chercher des adeptes jusque sur les marches du trône impérial ?

Et pourtant c’est ce que l’Église a fait dans Rome, aux premiers siècles de son existence. Pendant trois cents ans, saint Pierre et ses successeurs, chefs de l’Église de Rome et de toutes les Églises, ont lutté sans relâche, à la fois contre les persécutions des empereurs, l’indifférence des grands, les superstitions des petits et l’immoralité de tous, afin de détruire le paganisme et faire régner à sa place la doctrine vivifiante et civilisatrice de leur divin Chef. Mais parmi cette population, sans repousser les humbles, c’était les grands qui étaient l’objet de leur zèle et de leur sollicitude. C’est ainsi que, dès le premier siècle, la persécution de Domitien comptait parmi ses victimes des nobles tels que Flavius Clemens, sa femme Domitilla, ses deux fils, et des consuls, comme Glabrio. Au siècle suivant, c’étaient sainte Cécile, Valérien, Tiburce, le sénateur Apollonius et tant d’autres qui glorifièrent par leur martyre la noblesse de leur sang autant que la fermeté de leur foi et la pureté de leurs vertus. Enfin, avec Constantin, le Christianisme monte sur le trône des césars. Dans les siècles qui suivirent, les ministres de l’Évangile entreprirent la conversion des barbares. Mais toujours fidèles au programme tracé par les premiers apôtres, ils cherchèrent à gagner d’abord les grands, afin de mieux entraîner ensuite la masse du peuple. C’est ainsi que chez les Francs, saint Rémi baptise le roi Clovis, chez les Burgondes, saint Avit de Vienne convertit le roi Sigismond, chez les Saxons d’Angleterre, saint Augustin instruit le roi Ethelbert, chez les Wisigoths d’Espagne, saint Léandre et saint Fulgence font abjurer l’arianisme au