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PROPOS JAPONAIS

partout. Mais l’application en est parfois bien différente.

C’est ici surtout que le missionnaire doit en tenir compte ; sinon, tout particulièrement uniforme dans ses habitudes, le Japonais lui aurait vite décerné le blâme de singulier et d’impoli, en attendant celui de novateur et de réformateur.

Ce qu’il y a surtout d’insaisissable dans les habitudes japonaises, c’est le formalisme raffiné dont ils se servent dans leurs démarches. Considérant comme une grossièreté d’exprimer un besoin sans préambule, ils ont recours à mille détours inimaginables pour voiler le but de leur démarche et pour dire les choses sans en avoir l’air. Ils excellent dans cet art au suprême degré. Or, l’étranger, habitué à parler rondement et sans ambages, a bien du mal à user de semblables expédients, qui d’ailleurs lui paraissent pour le moins inutiles sinon ridicules. De là, pour lui encore, un pénible asservissement.

Un dernier obstacle à la diffusion de la religion catholique au Japon, c’est la pauvreté du missionnaire. Autrefois, dans l’ancienne Rome et chez tous les païens, les pauvres étaient exécrés. Il n’en est pas autrement dans le Japon païen. La pauvreté y est considérée comme un vice et les pauvres y sont méprisés, voire même brutalisés. Lorsque, par exemple, certains malades dans les hôpitaux n’ont plus d’argent pour payer, on les jette simplement dans la rue, sans plus de pitié.

Le missionnaire doit donc au moins paraître avoir de l’argent, sinon il perd absolument toute réputation et par conséquent toute influence. Il va sans dire qu’il ne lui suffit pas de paraître avoir de l’argent, il lui en faut en réalité, sinon il est réduit cette fois à la dernière