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PROPOS JAPONAIS

vénération parmi toutes les classes de la société. Moins une religion qu’un système pratique de morale, le confucianisme se résumait en deux devoirs : le loyalisme à l’égard du souverain et la piété filiale à l’égard des parents. Il répondait donc exactement aux tendances nationales qui inspirent précisément le culte divin rendu à l’empereur et aux ancêtres.

Or, ce système, entre autres règles pratiques, donnait celle-ci, qui est passée en proverbe : « Le sage ne fait paraître ni joie, ni colère, Kunshi wa kido, iro ni aranwazu ». De là, chez le Japonais, le sang froid remarquable avec lequel il sait dissimuler ses sentiments. De là cet éternel sourire qu’il conserve même lorsqu’il est en colère. De là, par contre, le mépris dédaigneux dont il flagelle l’étranger, lorsque celui-ci s’emballe dans un moment de joie ou se fâche dans la contrariété. Il dit alors avec un petit sourire flétrissant : Seiyôjin wa hyôjô ni tonde inai, l’étranger n’est pas riche en contenance.

Pour être à la hauteur de la situation, sans compter les motifs surnaturels qui le pressent lui-même, le missionnaire doit être un modèle impeccable de patience, sinon, il compromet la religion qu’il prêche. En outre, cette vertu, il doit la pratiquer non seulement dans ses relations avec les Japonais, mais aussi dans l’exercice de son zèle. Un zèle trop entreprenant apparaît tout de suite inconsidéré, et de fait, tourne vite à l’insuccès. Il vaut mieux, semble-t-il, se contenter de peu, pour le moment du moins, et savoir profiter avidement des circonstances, plutôt que de brusquer les événements. Les Japonais ne sont pas pressés de se convertir, parce que leur mentalité est étrangère aux idées religieuses véri-