Page:Cloutier - Propos japonais.pdf/275

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— Qu’est-ce donc qui vous retient ?

— Je ne sais trop comment expliquer cet état de mon âme. Cependant, puisque vous me poussez à bout, je vous dirai tout : je ne sais si je dois toujours rester en cette maison.

Cette déclaration avait du moins le mérite de la sincérité. Cette jeune femme, en effet, comprenait sans croire : elle croyait de foi humaine, naturelle, mais non de foi surnaturelle ; elle n’avait pas encore la grâce de la foi, et elle n’était pas encore disposée à la recevoir. Quelle était donc la raison de ce retard, sinon peut-être les égarements de la vie passée ?

Nature vive et pétulante, elle joignait aux grâces de la beauté, des manières tout à fait mondaines, un souci extrême de la coquetterie et de la vanité, un orgueil opiniâtre, sous les dehors d’une politesse souriante et obséquieuse. De là son habitude de se tenir tous les jours fardée à l’excès. Toute jeune fille, elle avait, après les années d’école élémentaire, suivi les cours d’une école supérieure. Or c’est là qu’elle avait fait naufrage : ayant rencontré un jeune chrétien, infidèle hélas ! a sa foi et à ses devoirs, elle avait eu avec lui des relations coupables et, sans contracter d’autre forme de mariage, avait uni sa destinée à celle de ce malheureux.

Quelques années plus tard, des parents de la famille parvinrent à faire régulariser ce mariage, et le mari, sans redevenir fervent, reprit du moins la pratique de ses devoirs les plus rigoureux. La femme, de son côté, accéda assez volontiers à l’invitation qu’on lui fit d’apprendre le catéchisme, et, pendant un certain temps, elle reçut, chaque semaine, une leçon, de sorte qu’elle put voir le recueil en son entier, plusieurs fois. Intelligente