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ou mieux des huttes de paille. L’aspect est plutôt misérable. Ces toits de chaume, dont la hauteur et l’épaisseur sont disproportionnées avec le corps du bâtiment, et qu’on croirait être toujours sur le point d’écraser n’ont rien de riant ni de coquet ; c’est morne, silencieux, rêveur. Cependant, vu l’uniformité de toutes ces mansardes, leur ensemble n’est pas sans prêter un trait caractéristique de plus au paysage d’alentour.

Parmi ces maisons, il en est une qui abritait alors une famille de chrétiens. C’est là que nous avions fixé le rendez-vous de la promenade. Le père de cette famille est, paraît-il, de descendance impériale. Ses ancêtres auraient appartenu à une branche qu’on aurait écartée du trône, pour donner la préférence à la lignée actuellement régnante. Les membres de cette famille seraient peu à peu passés, du rang de princes du sang qu’ils étaient, à celui des samuraï, c’est-à-dire de ces chevaliers qui vivaient aux frais de leur seigneur, en temps de paix, et mouraient pour sa cause en temps de guerre. Enfin, à la restauration impériale de 1868, qui fit tomber le régime féodal, ils auraient été, comme tous les samuraï à cette époque, abandonnés sans pitié à leur propre initiative, c’est-à-dire, pour le plus grand nombre, réduits à la misère et à l’indigence.

De fait, ce chrétien, par la pureté de son langage, la distinction remarquable de ses manières et surtout la fière loyauté de ses relations, accuse hautement la noblesse de son origine.

Or, je connaissais tous ces détails avant ce jour-là, et je m’affligeais fort, à la pensée que cette homme avait été forcé de se faire laboureur. Mais quelle ne fut pas ma stupéfaction, lorsque j’eus une fois pénétré dans sa de-