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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

sur la valeur des règles et des classifications. Les Apollodoréens, héritiers peut-être de l’esprit rigoriste et stoïcien des grammairiens de Pergame, considéraient la rhétorique comme un art immuable, et ils n’admettaient pas qu’on dérogeât à ses préceptes traditionnels ni qu’on prétendît se mettre à l’aise avec ses divisions ou sa nomenclature. Les Théodoréens, plus libres d’esprit, moins doctrinaires, concevaient une rhétorique plus souple, plus changeante, obéissant à l’expérience et se modifiant avec les circonstances. Il ne paraît guère douteux aujourd’hui qu’ils ne fussent en cela beaucoup plus près de la vérité[1].

Mais deux hommes surtout, en ce temps, eurent le mérite de dégager déjà la critique littéraire de l’enseignement purement technique et de la mettre au service d’un goût passionné pour les belles œuvres classiques. Ce furent Denys d’Halicarnasse et Cécilius.

III

Denys, né à Halicarnasse et fils d’un certain Alexandre, vint à Rome en l’an 30, après la fin des guerres civiles[2]. Probablement jeune encore en ce temps, il y apprit le latin, étendit ses connaissances en tout genre, et se mit par là en état de profiter du séjour qu’il comptait y faire[3]. Ce séjour semble s’être prolongé autant que sa vie. En tout cas, il durait depuis vingt-deux ans, lorsque Denys, en l’an 8 avant J.-C., écrivait la préface de son Histoire primitive de Rome ; et la façon dont

  1. Voir sur cette querelle l’article Apollodoros (no 64) dans l’Encyclopédie de Pauly-Wissowa (t. I, p. 2886).
  2. Suidas, Διονύσιος Ἀλεξάνδρου. Voir surtout ce que Denys dit de lui-même dans son Hist. primit. de Rome, t. I.
  3. Ibid., I, 7 : Διάλεξτόν τε τὴν Ρωμαικὴν ἐκμαθὼν καὶ γραμμάτων ἐπιχωρίων λαβὼν ἐπιστήμην.