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PSEUDO-JUSTIN

ractères de son style[1]. Dans une langue assez dégagée, les auteurs de ces écrits soutiennent que tout ce qu’il y a de vrai dans l’hellénisme provient de la tradition juive, recueillie par les poètes, les sages et les philosophes de la Grèce ; et ils réfutent le polythéisme par lui-même, à l’aide de citations empruntées à la littérature apocryphe dont Alexandrie paraît avoir été l’atelier principal[2]. Le point de vue général est bien celui des apologistes et des docteurs du second siècle. Mais l’argumentation est appuyée ici sur une méthode historique si radicalement erronée qu’elle ne saurait offrir un grand intérêt.

La Lettre à Diognète (Πρὸς Διόγνητον), qui figure aussi dans le recueil attribué à Justin, a une tout autre valeur. C’est un des écrits remarquables de la littérature chrétienne primitive[3]. Nous ne savons rien de l’auteur, qui ne se nomme pas : mais il est évident que ce ne peut être Justin ; car tout en lui est absolument différent. C’est une âme ardente, servie par une parole éloquente. Son style net, vigoureux, antithétique, donne à sa pensée un relief frappant. En véritable orateur, il se défend mal des entraînements de parole, et, pour jeter plus de lumière sur ses idées, il lui arrive de les pousser à l’extrême. Celui à qui il s’adresse, Diognète, est un païen ébranlé, que le christianisme trouble et attire. L’auteur passe rapidement sur la réfutation du paganisme. Homme de foi, et nullement critique, il n’y voit que scandale et absurdité, et il ne lui paraît pas qu’il soit nécessaire de démontrer ce qui est évident[4]. Par

  1. Sur la Cohortatio, voir l’étude très méthodique de A. Puech, Mélanges Henri Weil, p. 395. L’auteur pense que la Cohortatio est de la fin du iiie siècle plutôt que du second.
  2. Bardenhewer, § 16, 5.
  3. Pour les discussions sur la date et la provenance de cette lettre, voir Bardenhewer, § 13.
  4. Ch. 2, fin : Εἰ δέ τινι μὴ δοκοίη κἂν ταῦτα ἱκανὰ, περισσὸν ἡγοῦμαι καὶ τὸ πλείω λέγειν.