Page:Darmesteter - Essai sur la mythologie de l’Avesta.djvu/38

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nement un substantif et n’est que cela^^1 ; si donc l’on veut faire de fshaoni un substantif, il faut construire les deux mots parallèlement : c’est ce que fait M. Justi, qui traduit « graisse et troupeaux [Fettigkeit und Herden. Manuel, s. fshaoni), et regarde les deux duels féminins fshaoni vcdhioa comme les deux membres d’un dvandva. Mais si l’on considère les deux termes qui suivent, açpinâca yavino, dont le premier est encore un duel et le second un génitif qui doit en dépendre, on reconnaît que le dvandva règne, non point «ntre fshaoni et vàthiva, ce qui laisse le ànelaçpinâ inexpliqué, msiis entre fshaoni vâthv :>a d’une part, et açpinâca yavînô de l’autre. Que fshaoni puisse être adjectif, c’est ce que M. Justi reconnaît lui-même en traduisant l’expression correspondante du premier sîrozali fshaonibya vàthwcihya « fiir die fette Herde » (pour le gras troupeau ; Manuel s. fshaoni) ; et c’est ce que prouve jusqu’à l’évidence l’épithète de fshaoni donnée au génie féminin Brvàçpa. Nous traduirons donc fshaoni vàihwa, comme M. Justi traduit fshaonibya vàthwàbya, c’est-à-dire les gras troupeaux^^2.

Dans açpinâca yavînô, l’on avait, au commencement des études zendes, reconnu les Açvins, les deux jeunes cavaliers ; erreur naturelle et inévitable au début de la science, devant un rapport de son si frappant avec les yuvânâ açvinâ des Védas. M. Spiegel a démontré d’une façon convaincante qu’il ne pouvait être question des Açvins (Commentaire II. 322) : nulle part ailleurs, ni dans les textes, ni dans la tradition, ne paraît une

1. V. Justi Manuel s. v.

2. Fshaoni peut sans doute être employé comme substantif ; ainsi, Yt. 5. 26, Yima demande à Ardvîçûra uyê fshaonîca vãthwâcâ ; mais le texte a bien soin d’en avertir le lecteur par uyê et par la répétition de ca. — Le sens de gras résulte de la glose de Nériosengh fshaonyêhê = sphîtayasi (tu engraisses ; . 11, 6). — Quant à l’étymologie, il me paraît impossible de rattacher le mot à un composé de çu, comme le propose M. Justi (s. fshu). Fshaoni, c’est-à-dire *fshavani (cf. ashaonîm = *ashavanîm) s’explique aisément comme le féminin d’un adjectif *pushavan d’où fshavan (cf. fshanh lien = *paçanh) ; cet adjectif est formé de la racine push (qui se retrouve avec inversion dans le zend (fshû) et qui signifie dans les Védas grandir et faire grandir : asmin pushyantu gopatau (10. 19. 3) puissent mes vaches venir bien, Agni étant leur pasteur ; Kratum pushyasi gâ iva (3. 45. 3) tu fais grandir notre force comme nos troupeaux. L’épithète de fshaoni, donnée à Drvâçpâ, c’est-à-dire à la divinité qui fait prospérer les chevaux, et plus généralement les troupeaux, rappelle tout naturellement Pûshan paçupâ, Pûshan, protecteur des troupeaux ; l’épithète de l’un est le nom de l’autre.