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LES DEUX TESTAMENTS

assez pour l’empêcher de parler avec un certain discernement.

Il commença par lui reprocher l’infidélité dont elle avait fait preuve en acceptant les attentions du veuf, et en consentant à ce que son père interdise l’entrée de sa maison à celui qu’elle avait prétendu aimer.

Maria voulut se justifier, mais il ne lui en laissa pas le loisir, car changeant subitement de ton, il se mit à lui dépeindre son amour dans les termes les plus exagérés et les plus brûlants.

Il conclut en lui proposant de s’enfuir avec lui aux États-Unis.

Pendant qu’il parlait, Maria éprouvait une sensation pénible et étrange.

Il lui semblait être la proie d’un cauchemar affreux.

Était-ce bien, là, son Xavier bien-aimé, son Xavier beau, noble et loyal, ce jeune homme au visage bouffi, aux yeux bistrés et égarés, à la démarche incertaine, qui lui proposait froidement de se laisser enlever par lui.

— Si c’est un rêve, je voudrais bien me réveiller, pensait-elle.

Mais, hélas ! c’était bien la réalité.

Au souffle glacé de la bise qui vint frapper soudain son visage, elle se réveilla de sa torpeur.

— Ne me touchez pas ! dit elle, avec fermeté et dignité, au jeune homme qui voulait, en ce moment, la presser contre son cœur. Ne me touchez pas, je vous le défends !

Subissant, malgré lui, l’ascendant de la fière jeune fille, Xavier recula de quelques pas et se contenta de regarder Maria avec des yeux qui exprimaient si bien son amour désespéré, que celle-ci, vaincue par la pitié et adoucissement sa voix, lui parla dans ces termes.

— Écoutez-moi, Xavier, et tâchez de comprendre mes paroles.

Je vous ai aimé véritablement et fidèlement tant que vous avez été bon et honnête. Je vous ai aimé comme je ne pourrai jamais en aimer un autre, je le sens.

Mais, vous-même avez tué l’amour que j’éprouvais pour vous. Et quand bien même je vous aimerais encore, mes parents ne consentiraient jamais à notre union.

Il faut donc nous résigner tous les deux et nous soumettre à la volonté du ciel.

Mais si vous m’aimez encore, je vous en supplie, changez de vie, réformez-vous ; redevenez ce que vous étiez, honnête et bon ; cessez de briser le cœur de votre mère et de tous ceux qui vous aiment.

Oh ! je vous en supplie, convertissez-vous, afin que j’aie au moins