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Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/52

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LES DEUX TESTAMENTS

fusèrent d’obéir et son corps resta froid et immobile dans le fauteuil.

— C’est la mort ! pensa t-elle, enfin.

Mon Dieu ayez pitié de moi !

La pauvre femme attendait la mort depuis longtemps ; sa conscience tranquille ne lui reprochait rien, et elle possédait cette foi, cette espérance et cet amour qui font pressentir le ciel même dans la vie. Mais l’idée de mourir ainsi, seule et abandonnée, sans voir une dernière fois son petit-fils pour lui dire adieu, sans voir un prêtre et sans recevoir les sacrements et les consolations religieuses qu’ils apportent, sans une amie pour lui fermer les yeux, lui semblait terrible.

Elle chercha encore à se lever, mais inutilement, elle essaya de crier, d’appeler, dans l’espérance d’être entendue de quelqu’un des locataires, mais sa bouche ne pouvait plus proférer aucun son.

Mais l’engourdissement qu’elle ressentait par tout son corps commençait à troubler aussi ses facultés mentales. Elle se sentit mourir et se mit alors à prier de toute son âme. Puis sa pensée se porta vers le jeune enfant qui allait rester seul au monde.

— Que le bon Dieu et son saint patron le prennent sous leur garde !

Mon Dieu, prenez mon âme !… Jésus Marie !

C’était fini. La veuve était morte.

La fin du jour arriva. Les nuages s’écartant un peu de l’occident laissèrent percer les derniers rayons de soleil.

Ces rayons dorés illuminèrent, comme une auréole, le front toujours noble et beau et les traits calmes et serein de la morte.

Dans le repos de la mort, une expression de bonheur avait remplacé l’inquiétude et la souffrance qui avaient contracté sa figure auparavant.

Cependant, le veuf rentra à l’heure accoutumée, et fut d’abord étonné de voir que la lampe n’était pas encore allumée.

Troublé par un sentiment indéfini, il s’avança à tâtons dans la chambre en disant d’une voix qui tremblait un peu.

— Mde Champagne qu’est-ce que vous faites donc ? êtes-vous malade ?

Et ne recevant nulle réponse, il s’avança vers la veuve assise dans son fauteuil qu’il commençait à distinguer dans l’obscurité.

Il se pencha vers elle et lui prit la main. Le contact de cette main froide le glaça jusqu’au cœur.

Saisi d’une horreur qu’il ne pou-