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rendent témoins de scandales si grands, qu’ils soutiennent dans leurs écrits, que l’âme, faite pour jouir de la vie, n’a, en quittant le corps, rien de plus et rien de moins. Que si la liberté a manqué à ces âmes, alors elles devraient entrer de nouveau dans un autre corps ; migration qui aurait été figurée par ces paroles de notre Seigneur : « Si tu es sur le chemin avec ton ennemi, fais ensorte de te délivrer, de peur qu’il ne te livre au juge, et le juge à l’exécuteur légal, et que celui-ci ne te fasse mettre en prison ; en vérité je te le dis, tu ne sortiras pas jusqu’à ce que tu ais donné jusqu’à ta dernière obole. »

L’ennemi, suivant eux, est un des anges qui habitent ce monde, auquel ils donnent le nom de diable, chargé de conduire les âmes qui se sont perdues auprès du souverain : ce souverain est le premier des créateurs ; il livre sa victime à un autre ange, son ministre, et l’âme prisonnière est incarcérée dans un autre corps. Le corps, c’est la prison ; et ce que dit le texte sacré : « Tu ne sortiras pas jusqu’à ce que tu ais donné ta dernière obole, » doit s’interpréter de l’esclavage dans lequel les anges créateurs la tiennent, la transportant de corps en corps, jusqu’au jour où elle aura passé par toutes les phases de l’humanité ; rien ne lui manquant plus désormais, elle prendra en liberté son essor vers le Dieu qui est au-dessus des anges qui ont créé le monde. Ainsi, le salut est donné à tous, soit que, mêlée dès l’abord à tous les actes du drame de la vie, l’âme devienne libre aussitôt, soit que de corps en corps, jetée dans toutes les phases de la vie, elle s’affranchisse enfin, en payant la dette exigée, heureuse de ne plus vivre emprisonnée dans un corps.

Certes, je ne puis croire qu’il en soit ainsi des âmes irréligieuses, injustes, qui ont vécu dans le crime ; cependant ils le soutiennent dans leurs écrits, et ils ne craignent pas d’ajouter que Jésus, parlant mystérieusement à ses apôtres des paroles d’en haut, les ait invités à confier, parmi ceux qui en seraient dignes, la science transcendante ; que la foi et la charité suffisaient pour le salut. Indifférence pour tout le reste, justice et injustice, ne sont qu’un mot, rien n’étant mauvais de sa nature.