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c’est qu’il n’y a eu ni génie ni breuvage d’oubli en ce qui vous concerne.

Nous ferons la même réponse à ceux qui prétendent que c’est l’influence du corps qui fait oublier à l’âme ses perceptions. Mais alors comment se fait-il que les perceptions qui arrivent à l’âme, pendant le sommeil des sens, soit par le sentiment, soit par la contemplation, lui soient ensuite présentes par le souvenir, et qu’elle puisse les communiquer aux organes qui sont en relation avec elle ? Il y a plus, si le corps opérait l’oubli des perceptions, l’âme, tant qu’elle est unie au corps, ne pourrait plus même se rappeler de ce qu’elle aurait vu par les yeux ou de ce qu’elle aurait entendu par l’ouïe ; mais toute perception des choses vues s’évanouirait dès que l’œil cesserait d’être tourné vers elle. L’âme, étant enchaînée à un agent permanent d’oubli, elle ne pourrait connaître les choses qu’au moment où elles se trouvent sous les sens. Comment donc, dans cette hypothèse, pourrait-elle avoir quelques notions de Dieu, et conserver le souvenir de ces notions, si le corps les lui faisait oublier sans cesse ? Cependant nous voyons, au contraire, que les prophètes, pendant qu’ils furent sur la terre, eurent la faculté de se souvenir de tout ce que l’Esprit saint leur avait communiqué pendant l’acte de la céleste vision, puisqu’ils l’annonçaient ensuite aux hommes ; il est donc vrai de dire que le corps ne cause nullement l’oubli des notions spirituelles ; mais que l’âme en communique le sentiment aux organes du corps, et rend ainsi celui-ci participant de la spiritualité de l’âme.

Et, en effet, on ne peut pas dire que le corps soit plus puissant que l’âme, puisque, au contraire, c’est par l’âme qu’il respire, qu’il vit, qu’il prend de l’accroissement et qu’il se meut ; c’est donc l’âme qui est maîtresse du corps et qui le domine. La gravité des corps, il est vrai, diminue la vélocité des mouvements de l’âme, comme aussi le corps augmente de légèreté et de vitesse sous l’influence de l’action de l’âme ; mais l’âme pour cela ne perd rien des notions qu’elle possède. Le corps est semblable à un instrument, et l’âme est comme l’opérateur qui le fait mouvoir. De même donc que l’opérateur conçoit vive-