Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1904, Tome 4.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
130
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


répété le mot de « justice », il le suspendit de ses fonctions[1].

Les amis de Bourgeois vantaient son élégance d’esprit, son goût pour les idées générales, un peu vagues, qui faisait partie de sa savante politique, beaucoup de bonne grâce, une nature affectueuse et fine ; ses adversaires, des amis d’hier le disaient très personnel, insaisissable, double et triple, de ces démocrates « qui n’osent pas désobéir au peuple et réputeraient lâcheté de ne pas se mettre à sa tête dès qu’il lui plaît de périr[2] » ou d’être injuste[3].

Cavaignac, lui-même, se montra plus tolérant, quand le général Derrécagaix, présidant au lycée de Bayonne la distribution des prix[4] prononça ces paroles : « Il est des circonstances où la notion du juste s’obscurcit, où les caractères bien trempés hésitent… La veille de la reddition de Metz, Bazaine donna l’ordre de livrer les drapeaux. C’était une abomination. Fallait-il obéir au chef ou à sa conscience ?… Beaucoup brûlèrent les drapeaux. Dans les circonstances critiques où le devoir semble obscur, il faut consulter sa conscience et lui obéir. » Derrécagaix, à Metz, avait brûlé son drapeau.

  1. Arrêté du 27 juillet 1898. — « Nous ne voulons, nous ne pouvons croire à cette nouvelle. » (Temps, antidaté, du 29.)
  2. Quinet, Révolution, III, 129).
  3. « C’est plus qu’un crime, c’est une turpitude. » (Clemenceau, dans l’Aurore du 3 août.) « De conscience élastique, sans foi, sans parole, politicien vulgaire, ambitieux capable de toutes les lâchetés, il n’a pour tout moyen de gouverner qu’une arme, la fourberie. » (Leyret, Aurore du 31 juillet). » M. Bourgeois a tenu à se rendre digne du mépris dont le menaçait depuis deux jours la presse républicaine. » (Petite République.) « Un grand savant qui se fourvoya quelques semaines, en 1895, dans le ministère que présidait M. Bourgeois, dit de lui en s’en allant : « c’est le roi des fourbes. » (Radical.) Voilà le ton des polémiques !
  4. 3 août 1898.