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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Roget de la découverte de Cuignet ; le jeune officier lui en fit la démonstration.

Si Gonse avait été le complice d’Henry, c’est l’évidence qu’il n’aurait pas hésité à l’avertir de l’imminent danger, pendant qu’il était temps encore de fuir ou de combiner quelque menterie où Cavaignac eût pu se laisser prendre.

Gonse a déposé par la suite que, s’il avait été mis en cause, « il eût trouvé une explication absolument normale ». Il aurait dit au ministre : « Ce sont des papiers que j’ai mélangés, au lieu de les reconstituer à leur date ; je les avais oubliés ; je me suis trompé. » Selon Gonse, « personne n’y aurait rien vu[1] ».

Mais Gonse, comme Boisdeffre, avait été seulement le complice moral d’Henry. Bien que la pièce leur eût paru suspecte, en raison même du nom de Dreyfus, puisqu’ils le savaient innocent[2], ils n’avaient pas hésité cependant à s’en servir, comme un disputeur de mauvaise foi se sert d’un argument qu’il sait mauvais, quand il n’en a pas d’autres, mais ils n’avaient pas imaginé qu’Henry l’eût fabriquée lui-même.

L’explication que Gonse eût fait valoir pour son compte, s’il avait été soupçonné, il la présenta à Roget, à la décharge d’Henry. Roget la trouva plausible[3].

Le 28, Cavaignac télégraphia à Boisdeffre, toujours malade à la campagne, de rentrer au plus vite[4]. Le

  1. Rennes, I, 556, Gonse.
  2. Voir t. II, 419, 420 ; et t. III, 447.
  3. Rennes, I, 319, Roget : « Les pièces étaient certainement truquées ; il n’en résultait pas nécessairement qu’elles fussent fausses. »
  4. Ibid., 629, Boisdeffre : « Je crois que c’était un dimanche, le 29 août. » Le dimanche tombait le 28 août. L’erreur (peut-être du sténographe) est manifeste. En effet, Boisdeffre ajoute qu’il partit le lendemain et que Cavaignac interrogea Henry le surlendemain, c’est-à-dire le 30.