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LA MORT D’HENRY


général partit le lendemain, « pensant qu’il s’agissait toujours de l’affaire Esterhazy ». Ni Roget ni Gonse lui-même ne lui avaient rien fait savoir.

Cavaignac lui fit sa démonstration (celle de Cuignet) : l’intercalation des papiers sur les deux pièces aux colorations différentes, aux rayures qui ne concordaient pas. Boisdeffre ne vit pas, ou ne voulut pas voir[1] : « Si la matérialité du faux est prouvée, dit-il, je serai bien obligé d’y croire. A priori, je me refuse absolument à admettre que le colonel Henry soit un faussaire ; attendons ses explications ; je suis persuadé qu’il pourra expliquer comment il se fait que ces deux lettres sont collées ensemble et comment des morceaux sont mélangés. »

Cavaignac admit que ce n’était pas impossible[2].

Mais, pas plus que Gonse, Boisdeffre n’eut l’idée — ou, s’il l’eut, il la chassa, car ils avaient tous peur de Cavaignac — de faire suggérer à Henry la réponse, d’ailleurs stupide, qui leur était venue à l’esprit, par une vieille habitude de mentir.

VIII

Le 30 août, à deux heures, Gonse fut chargé d’amener lui-même Henry au cabinet du ministre, « sans lui rien laisser soupçonner[3] ».

Il y avait juste onze ans, à pareille date, dans les

  1. Rennes, I, 529, Boisdeffre : « Le ministre me dit tout de suite ce qui avait fait sa certitude. Il n’était pas possible de le voir à l’œil nu. »
  2. Ibid., 319, Roget : « Il y avait là une explication possible… Le ministre voulait savoir la vérité…, etc. »
  3. Ibid., I, 529, Boisdeffre.