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LA MORT D’HENRY


Au passage des tropiques, il n’est pas rare de voir des matelots se précipiter brusquement dans la mer, quand le soleil darde verticalement ses rayons[1] ». Le 31 août 1898, la température était chaude au dehors, sans être excessive, mais orageuse[2]. Il faisait très chaud dans la chambre d’Henry, en plein soleil, cette impulsion « irrésistible », que le navigateur Charles de Gortz nomme les horreurs[3], Henry lui-même en a noté les symptômes.

Il commença une autre lettre en ces termes :

Ma Berthe bien-aimée, je suis comme fou, une douleur épouvantable m’étreint le cerveau, je vais me baigner dans la Seine.

Puis la plume lui tomba des mains.

Du fort, on aperçoit la rivière qui le contourne de trois côtés.

Cette brûlure qui lui dévorait le cerveau, non seulement l’ardeur du midi et sa fièvre l’ont allumée, mais l’alcool qu’il avait bu à grandes rasades. Il vida une demi-bouteille de rhum[4] pour se donner du courage.

Sa lettre à Gonse est une sottise ; d’ailleurs, le général ne l’aura pas avant le soir ; certainement, il ne viendra pas.

  1. A. Brierre de Boismont, Du Suicide et de la Folie-Suicide, 60. — De même Guillon, Mémoires de Médecine militaire, t. XLIV ; Allgemeine Zeitung für Psychiatrie. t. II, ch. III : Observations des docteurs Dietrich, Larrey, Rhut, Payen, du comte Charles de Gortz, etc.
  2. Bulletin du bureau central météorologique : moyenne, 19°6, supérieure de 2°,6 à la normale ; temps nuageux ; baromètre, 764,5.
  3. The Horrors (Boismont, 60).
  4. Cette bouteille, à demi vide, n’est pas mentionnée dans le procès-verbal officiel, mais fut remarquée par les différents témoins, Walter, le docteur Léon Lévy.